Texte : Mathieu Rosan
La première phase du déconfinement a commencé. Certains s’en réjouissent, d’autres appréhendent. Ce retour à la vie (presque) normale peut s’annoncer psychologiquement difficile. Certains sortiront éprouvés, mentalement et physiquement, de cette longue période. Les autorités publiques devront impérativement les accompagner. Il en va de la reprise d’une vie sociétale dans de bonnes conditions et de la résilience de notre tissu économique.
Alors que le Premier ministre Xavier Bettel a confirmé ce lundi la fin du confinement strict, le Grand-Duché va désormais entrer dans une nouvelle étape du déconfinement avec la mise en place de l’allégement des mesures prises en mars. Dès lundi prochain, les résidents pourront ainsi recevoir de la visite, « jusqu’à six invités en même temps, en plus des personnes qui vivent déjà sous un même toit ». De même, les rassemblements à l’extérieur « seront autorisés jusqu’à vingt personnes ». Doucement, la vie va donc reprendre ses droits et la population pourra retrouver une vie sociale « normale » dans les semaines à venir. Si l’on peut s’en réjouir, ce retour à la normal sera compliqué pour certains après avoir vécu dans une bulle les dernières semaines.
« Isolement social accru, solitude, inquiétudes sur sa santé, stress et plongeon économique : les conditions sont réunies pour nuire au bien-être et à la santé mentale », selon Rory O’Connor de l’université de Glasgow au sujet des conséquences du confinement sur notre mental ajoutant que « le problème est trop important pour être ignoré, en termes humains comme d’impact social plus large ». De fait, les praticiens commencent déjà à voir une incidence sur des patients déjà suivis ou nouveaux. Selon le professeur Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie au CHU Henri-Mondor en région parisienne, « nous aurons d’autres complications liées aux conséquences psycho-sociales de la crise qui va suivre à surmonter dans les semaines à venir, créant forcément de la détresse”.
Vers une démocratisation des crises d’angoisse ?
Les séquelles pourront être psychologiques, mais aussi physiques, pour les personnes qui ont préféré ne pas se rendre chez leur médecin ou à l’hôpital pour d’autres pathologies. Il faudra alors de se préoccuper des conséquences néfastes du confinement sur la santé des populations alors que les médecins s’inquiètent également de la résurgence des crises d’angoisse parmi une population déstabilisée par une épidémie dont elle ne voit pas l’issue. Le confinement a quelque chose de rassurant, de protecteur, il nous place dans une bulle protectrice, telle une chambre d’isolement pour malades immunodéprimés, le mal est dehors, il est chez les autres. La réalité est pourtant toute relative.
« Avec le temps le confinement semble convenir à certains », confie ainsi Véronique de Kerdrel, psychologue clinicienne, qui intervient aussi dans un centre d’addictologie en région parisienne, avec un public varié, multiculturel et parfois en grande précarité. « Ne pas pouvoir sortir les exonère d’une relation à l’autre bien encombrante » engendrant ainsi une forme d’anxiété sociale qui pourrait se démocratiser de manière importante auprès de la population. Plus couramment appelé phobie sociale, le trouble d’anxiété sociale désigne une angoisse associée à l’idée de se retrouver dans des situations qui nous exposent aux autres. Une peur qui se manifeste principalement lorsque la personne concernée se retrouve entourée d’individus étrangers et dont les effets sont encore plus importants en période de crise sanitaire.
Se réadapter pour avancer ensemble
Avec l’allégement des mesures de confinement, les interactions sociales seront plus importantes et avec elle la peur de se faire infecter et de tomber gravement malade. Cette crainte sera renforcée dans les transports en commun, un espace clos et anxiogène qui nous confronte à autrui et qui ne permet pas toujours la distanciation sociale recommandée. La reprise du travail pourra également générer un état de stress. Outre la réadaptation professionnelle, certains auront ainsi peur de se faire contaminer sur leur lieu de travail. Conscients que le virus présente toujours un grand risque, certains s’inquiètent donc de devoir reprendre le chemin du travail, et, avec lui, d’envoyer les enfants à l’école. Ce n’est donc plus le confinement mais la perspective du déconfinement qui devient source d’anxiété pouvant avoir des conséquences sur notre « nouvelle » vie sociale et professionnelle.
Ainsi, alors que les entreprises auront besoin de salariés en bonne santé physique et psychologique dans les semaines et mois à venir pour produire à nouveau de la richesse et maintenir leur compétitivité, il sera important de se mobiliser afin d’appréhender une problématique qui n’est pas forcément encore visible, mais qui fera, elle aussi, partie des chantiers de la reconstruction sociétale et économique.
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