Adulé et respecté par ses pairs : Alber Elbaz, le créateur de mode à l’éternel noeud papillon qui avait réveillé la maison Lanvin, est décédé samedi des suites du Covid-19, laissant derrière lui une industrie de la mode en deuil. 

“C’est sous le choc et avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès soudain d’Alber (…) C’était un homme d’une chaleur exceptionnelle et très talentueux, et sa vision si singulière, son sens de la beauté et de l’empathie laisseront une marque indélébile”, a salué Johann Rupert, à la tête du groupe de luxe suisse Richemont dans un communiqué. Sollicité par l’AFP, le groupe indique que M. Elbaz, 59 ans, est décédé samedi des suites du Covid-19.

Reconnaissable à sa silhouette ronde, ses lunettes et son noeud papillon, Alber Elbaz a marqué le monde de la mode par ses petites robes, prisées d’actrices comme Natalie Portman, Cate Blanchett et Sienna Miller.
“N’importe qui de suffisamment chanceux pour avoir travaillé avec cet homme incroyable sait qu’il a été l’un des hommes les plus créatifs et drôles de l’industrie, un vrai pionnier”, a réagi sur Instagram Edward Enninful, rédacteur en chef du Vogue britannique.

“Priorité aux femmes”

“C’était un homme apprécié de tous pour son humanité et son humour exceptionnel ; c’était aussi un génie créatif admiré pour son style alliant féminité et modernité”, a tweeté François-Henri Pinault, PDG du groupe de luxe Kering .

Né au Maroc, Alber Elbaz (né Albert) a commencé sa carrière avec le créateur américain Geoffrey Beene à New York avant d’être engagé par Guy Laroche. Il avait ensuite pris la difficile succession de Yves Saint-Laurent pour la ligne prêt-à-porter du couturier français en 1998 avant de rejoindre Lanvin en 2001.
A sa tête pendant 14 ans, l’Israélo-Américain a réussi le tour de force de replacer la plus ancienne maison de couture française, fondée par Jeanne Lanvin en 1889, au firmament de la planète mode. 

“Merci Alber”, a réagi la marque sur son compte Instagram, ajoutant à ce message une photo du créateur lors d’un défilé. “Grâce à lui, +La belle endormie+ avait repris vie et faisait honneur à la grande Jeanne Lanvin”, a salué dans un communiqué l’ex-ministre de la Culture Jack Lang.

Chez Lanvin, il affirme son style et sa vision de la mode pour les femmes. Une mode fonctionnelle qui doit accompagner leurs corps et les mettre en valeur.

“Les femmes sont plus indépendantes, elles osent davantage. Elles ne dépendent pas de leur mari qui leur donne un chèque pour s’acheter une robe. Elles ne dépendent pas non plus d’un styliste (…)  Un vêtement doit les accompagner. Elles ont envie de bouger avec, de vivre avec. Le mouvement est essentiel pour moi, c’est la vie”,  déclarait-il lors d’une interview au magazine L’Express en 2008.

Départ traumatisant

En 2015, il est évincé de la maison Lanvin. Un départ brutal pour le créateur, qui aura du mal à s’en remettre. Les années suivantes, il se fait discret, produisant quelques collaborations de-ci, de-là. Il en a notamment signé une pour Tod’s portant sur des sacs et des chaussures et une autre avec Converse. Fin 2019, il s’associe au suisse Richemont pour lancer sa propre griffe “AZ Factory“, qu’il veut “fonctionnelle et qui convient à tout le monde”. 

“C’est un nouveau départ. Une marque de luxe digitale basée sur l’innovation et la technologie, mais avant tout, un lieu où faire des expériences et essayer de nouvelles idées”, avait-il déclaré.

Un nouveau départ qui tourne court et qui laisse un monde en deuil, quelques mois après le décès de Kenzo, mort lui aussi du Covid-19. 

“Alber Elbaz le couturier fin, sage et capricieux qui a donné la priorité aux femmes, nous a quittés après trois semaines de lutte contre le Covid”, a affirmé sur Instagram, l’influente critique de mode, l’Américaine Suzy Menkes.  
Sur le même réseau social, la créatrice britannique Stella McCartney a salué “son immense talent” qui a “fait voler en éclats les conventions et enveloppé des millions d’âmes de bonheur lorsqu’elles portaient ses créations”.
Il “a offert sur les podiums et tout au long de sa carrière des moments d’esthétique uniques”, a salué dans un communiqué Ralph Toledano, président de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode.  

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