Il nous avait échappé à sa sortie en broché. Parmi nos coups de cœur de la saison, Ça aussi, ça passera, de Milena Busquets, un roman solaire, sensuel, charnel et lumineux qui puise sa matière dans la noirceur du deuil.

Certaines lettres d’amour ne seront jamais lues. Ça aussi, ça passera est de celles-là. De sa plume sans encombre, sèche, nerveuse, dans lequel l’urgence de l’amour et du sexe sont sensiblement palpables, l’écrivain espagnole Milena Busquets oscille entre autobiographie masquée, livre d’amour et réflexion sur la vie. Et la mort, fatalement.

Blanca a 40 ans et vient d’enterrer sa mère, laissant une plaie béante, comme une nouvelle facette de sa personnalité. Blanca est une femme libre – libérée – une jouisseuse, qui embrasse la vie. Alors que débute le travail du deuil, elle décide d’emménager dans la maison familiale, à Cadaqués, sur les bords de la Méditerranée. Pour ne pas être confrontée à la présence de la défunte, dont le souvenir transpire dans tous le moindre recoin de la ville, dans chaque pièce et chacun des objets qui l’habite, elle emmène avec elle ex-maris, enfants et amis. S’enivrer, s’oublier, chaque jour, l’héroïne tente de noyer son chagrin dans l’amour des autres hommes. En vain, « les amours ne sont pas interchangeables », confie l’auteur quand elle évoque les similitudes entre elle et son personnage.

De l’amour et de la chair

Qu’elle s’adresse à sa mère ou aux homme de sa vie, le fil rouge demeure indubitablement l’amouret sa quête inéxorable : « les prostitués sont indispensables, il devrait y avoir des putains de l’amour, aussi ». Seul l’amour semble lui offrir la pulsion de vie (Eros) nécessaire pour lutter contre les pulsions de mort (Thanatos) qui l’empêchent de trouver le sommeil. « J’ai un hurlement en moi, qui, d’habitude, pendant la journée, me laisse tranquille, mais la nuit, lorsque je m’étends sur un lit et que j’essaie de dormir, il se réveille et commence à rôder, comme un chat furieux, il me lacère la poitrine, crispe mes mâchoires, me cogne les tempes. »

Il y a aussi la recherche avide du sexe, seule arme pour oublier et faire une trêve, quelques heures durant : « Le contraire de la mort, ce n’est pas la vie, c’est le sexe », affirme-t-elle sans détour.

Au fil des jours et des pages, Blanca apprend doucement à combler le vide laissé par cette mère envahissante avec laquelle elle a toujours entretenu une relation fusionnelle et compliquée. Avant de comprendre que la plaie fait désormais partie de son histoire et que l’oubli et la consolation ne sont que des leurres : « L’amour de ma vie, c’était toi. »

Ça aussi, ça passera, de Milena Busquets, aux éditions Folio