Par Cadfael

Des milliers de cubains sont descendus dans la rue le 11 juillet dernier pour protester contre la politique gouvernementale. En cause les problèmes économiques en partie aggravés par le Covid, l’embargo américain ainsi qu’une absence de libertés. De nombreuses arrestations ont eu lieu, des cas de tortures et au moins un mort.

Une répression mesurée ?

Les autorités de La Havane ont bloqué les communications téléphoniques et les accès internet. Selon Newsweek, Quirium, une ONG suédoise, aurait détecté des codes de logiciels de contrôle et de filtrage chinois dans les flux du web cubain. La répression policière aurait montré une utilisation de la force, sommes toutes « mesurée » malgré la mise à sac de magasins d’état et de sites gouvernementaux.

Au début de semaine, le président américain apportait son soutien aux manifestants qui selon lui « se battent pour leurs droits, qualifiés de fondamentaux et d’universels ».

Selon The Hill, le plus grand média digital américain indépendant, le gouvernement Biden est en cours de révision des mesures d’embargo. Aucune date n’a été citée quant à sa clôture. Biden a déclaré qu’il était prêt à envoyer une quantité significative de vaccins à Cuba à la condition qu’une organisation internationale soit en charge de la distribution des vaccins.

Le président cubain (et premier secrétaire du parti communiste) a rendu responsable, dans un discours fleuves de 4 heures, l’impérialisme américain et des agents de la CIA. Cette belle rhétorique de guerre froide ne permet pas de cacher une crise économique lourde provoquée tant par le Covid que par une économie planifiée déficiente nécessitant des réformes urgentes. Selon des experts internationaux le gouvernement active de lentes et prudentes ouvertures vers une sorte d’économie de marché avec une dérégulation des entreprises d’état ainsi qu’une timide ouverture aux investissements étrangers. En parallèle il y a eu une restructuration monétaire ainsi qu’une augmentation des salaires des fonctionnaires et des pensions. Il est à souligner que les actuels dirigeants de l’île c’est-à-dire le premier ministre et le président sont les premiers à ne pas avoir de liens de famille avec les Castro. Il n’en demeura pas moins que le premier ministre a le rang de colonel dans l’armée cubaine et que le président est un ultra-fidèle du parti. On notera que la Corée du Nord a officiellement déclaré soutenir Cuba.

Un vaccin « souverain ».

Le gouvernement cubain a refusé jusqu’à présent l’aide sous forme de vaccins qui lui a été offerte par l’intermédiaire de l’initiative Covax mise au point par l’OMS, l’Union européenne et la France. Au lieu de cela, il a misé sur le développement de son propre vaccin « Soberano », appellation qui est explicite par elle-même. Il n’en est pas moins vrai que ce vaccin est considéré par la communauté scientifique internationale comme très prometteur. En 1981, Castro a réussi à acquérir malgré un contrôle lourd, via la Finlande, la technologie permettant de synthétiser l’interféron. Le vaccin actuel mise sur cette technologie et a reçu, selon Reuters du 13 mai 2021, des lettres d’intérêt de 80 pays. Depuis 2012, Cuba a développé une industrie des biotechnologies de haut niveau dans laquelle certains groupes occidentaux iraient discrètement faire leurs emplettes. La Havane est devenue exportatrice de médicaments vers une cinquantaine de pays d’Amérique latine. Sous Fidel Castro, le régime a ainsi donné un coup de main à la Chine, l’Inde, la Malaisie et à l’Iran afin de développer leurs propres industries du médicament.

En 2016, derniers chiffres disponibles, les exportations de médicaments ont rapportés 442 millions de dollars, c’est à dire plus que sucre, le rhum ou le tabac. Le « Bio Cuba Farma Enterprise Group » comprend selon le gouvernement 31 entreprises, 62 sites de production employant 22.000 professionnels.

Du poil à gratter pour l’équipe de Biden

Depuis le début de la révolution castriste qui a renversé en 1959 le régime corrompu et maffieux de Batista (lui-même arrivé au pouvoir en 1952 par un coup d’état militaire) le marxisme développé sur l’île a toujours été atypique et a été considéré d’un œil méfiant par le Komintern, organe de contrôle des partis frères du régime soviétique. Il ne correspondait pas aux critères dogmatiques du communisme soviétique. Malgré tout, Cuba exportait vers le Comecon, union économique du bloc communiste, ses cigares, son sucre, son rhum et surtout ses mercenaires que l’on trouvait dans toutes les guerres de « libération coloniale ». Aujourd’hui un des principaux alliés de Cuba est le Venezuela ce qui permet de contourner l’embargo américain surtout en matière de pétrole. Le pays de Maduro qui apprécierait le savoir-faire des conseillers cubains en matière de sécurité serait une zone de villégiature et de retrait pour hauts dignitaires cubains. Les relations avec l’Iran et la Russie semblent au beau fixe. Malgré que très discrète, la Chine est également présente. Tout ce qui se passe à Cuba est suivi par les grandes oreilles américaines. La mer des Caraïbes, face aux gesticulations militaires chinoises, devient un intérêt stratégique majeur pour les Etats-Unis. Ces tensions sont amplifiées par la situation à Haïti, autre grande ile des caraïbes située à 800 kms de Cuba. Le président Biden vient de refuser une demande d’intervention militaire de la part du gouvernement de l’ile tout en renforçant les éléments de protection de son ambassade sur place. Haïti est traditionnellement une chasse gardée de la France.

On soulignera que les relations de Cuba avec l’Union Européenne reposent sur un protocole de 1996 signé entre le Conseil des Ministres et Cuba. Il est réévalué tous les six mois conférant un certain nombre d’avantages économiques à Cuba comme par exemple des droits minorés sur un quota de sucre.