La BCE devrait s’abstenir de nouvelles mesures anti-crise en zone euro, en espérant que les dirigeants européens réunis dans la foulée prendront le relais face à l’impact économique du coronavirus.
Sa présidente Christine Lagarde a signifié la semaine dernière qu’il ne fallait pas attendre de nouvelle décision lors de la dernière réunion monétaire avant la pause estivale de la Banque centrale européenne, compte tenu des mesures de soutien massives déjà prises ces derniers mois.
“Nous avons tellement fait que nous disposons à présent de pas mal de temps pour évaluer en détail leur impact”, a expliqué Christine Lagarde au Financial Times.
Le conseil des gouverneurs de la BCE aura surtout à cette occasion les yeux rivés sur Bruxelles, où se tient en fin de semaine un sommet des dirigeants européens pour tenter de s’entendre sur un plan de relance de 750 milliards d’euros. Pour Mme Lagarde, ce projet a de quoi “changer la donne”.
Il répond aux appels qu’elle a régulièrement lancés dans le passé aux Etats pour qu’ils agissent et cessent de laisser à la BCE tout le travail de soutien à l’économie.
Le Fonds monétaire international a lui aussi invité mercredi soir les gouvernements à garder ouverts les cordons de la bourse pour aider entreprises et salariés, malgré le risque d’explosion de l’endettement. “A ce stade de la crise le coût d’un retrait prématuré des mesures serait plus important que celui d’une poursuite du soutien là où c’est nécessaire”, a dit a directrice générale Kristalina Georgieva.
Réticences des “frugaux”
La plan de relance européen suscite toutefois des réticences de plusieurs pays dits “frugaux” du nord de l’Europe, hostiles à l’idée de subventionner par de la dette mutualisée les Etats dans le besoin, qui se trouvent surtout au sud, notamment l’Italie.
La BCE a de son côté déjà augmenté de 600 milliards d’euros son programme d’urgence d’injection de liquidités dans le circuit bancaire et économique face à l’impact de la pandémie (PEPP). Il était initialement doté de 750 milliards d’euros, visant à racheter sur les marchés des obligations publiques et privées afin de soulager banques, Etats et entreprises.
La BCE table sur une dégringolade du PIB de la zone euro cette année de 8,7%, suivie d’une remontée de 5,2% l’an prochain.
La consommation s’est redressée depuis mai en zone euro après la réouverture des commerces, mais le rebond timide côté production et exportations fait que la pression vers une remontée des prix “va rester faible”, selon Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste de la KfW.
Or, le faible niveau d’inflation, signe d’une activité atone, reste le principal sujet de préoccupation des gardiens de l’euro. Son taux annuel est légèrement remonté à 0,3% en juin après 0,1% en mai, très loin du niveau souhaité par la BCE de près de 2%.
Conflit réglé
Dans ces conditions, les taux d’intérêt de la BCE restent à un niveau historiquement bas et le FMI a exhorté les banques centrales à continuer dans cette voie.
“La politique monétaire devrait rester accommodante” là “où l’inflation est inférieure aux objectifs, comme c’est le cas dans de nombreux pays durant cette crise”, a-t-il dit mercredi soir.
La BCE a au moins un sujet immédiat de satisfaction: elle a réussi à mettre un terme, provisoire au moins, à un contentieux avec la justice allemande et à dégager l’horizon pour de futures actions de soutien à l’économie.
En mai, dans un arrêt retentissant, les juges suprêmes allemands avaient critiqué ses programmes de rachats massifs de dette et exigé que l’institut monétaire, mais aussi les autorités allemandes, justifient leur bien-fondé avant début août. Sous peine d’interdire l’Allemagne d’y participer.
Tant la BCE, que le gouvernement et les députés allemands s’y sont attelés au cours des dernières semaines et la Cour a jugé l’affaire classée dans l’immédiat.