La planète mode est en ébullition alors que s’achève la Fashion Week de New York, avant de laisser sa place à Londres, Milan, et Paris, quatre villes reconnues pour leur créativité et leur savoir-faire en matière de prêt-à-porter. Il y a pourtant un domaine dans lequel elles peinent à exceller, la durabilité. C’est pourtant l’une des priorités de la Fashion Week de Copenhague, la plus verte au monde. Moins réputée, la perle de la Scandinavie a largement de quoi servir de modèle aux plus grandes capitales de la mode.

Ce n’est un secret pour personne, la mode scandinave ne cesse de gagner du terrain depuis plusieurs années, et l’aura de Copenhague n’est pas étrangère à ce phénomène. Non contente d’être appréciée pour son street style, tout comme pour ses marques à l’esthétique minimaliste, la capitale danoise peut se targuer d’être à la pointe en matière de mode durable. Un rayonnement à attribuer à Cecilie Thorsmark, présidente-directrice générale de la Fashion Week de Copenhague, qui a fait le choix dès 2020 de faire rimer mode et éco-responsabilité. Un pari fou, basé sur des exigences strictes, qui a non seulement permis d’attirer l’attention sur cette semaine de la mode, mais pourrait aussi servir de référence pour les autres capitales de la mode.

Un cahier des charges strict

Après trois années d’efforts sans relâche, le plan d’action 2020-2022 pour le développement durable de la semaine de la mode de Copenhague s’est révélé être un franc succès lors de la dernière Fashion Week, organisée du 31 janvier au 3 février 2023. Officiellement mises en place, les nouvelles normes ne s’adressent pas uniquement aux marques inscrites au calendrier de cette semaine de la mode – exclues en cas de non-respect du cahier des charges – mais aussi à l’événement lui-même. Et ce sont pas moins de dix-huit normes couvrant six domaines d’action sur l’ensemble de la chaine de valeur qui ont été imposées pour la bonne tenue de l’événement. Interdiction de détruire les invendus des collections précédentes, obligation de créer 50% des collections à partir de matériaux clean, recyclés ou upcyclés, interdiction d’avoir recours à la fourrure, défilés zéro déchet, invitations recyclées, voitures électriques, compensation de l’empreinte carbone… Rien n’a été laissé au hasard pour rendre cette Fashion Week éthique et durable.

Dans son rapport annuel sur le développement durable, dévoilé courant décembre, la semaine de la mode danoise a affirmé avoir atteint 35 des 37 objectifs fixés. Un succès, qui n’empêche pas l’événement de regretter ces deux échecs directement liés aux émissions carbone. “Notre plan d’action prévoyait de réduire notre empreinte carbone de 30% d’ici 2021 et de 50% d’ici 2022 par rapport aux 45 tonnes de CO2 mesurées en août 2019, mais dès 2021, nous avons réalisé qu’il était difficile d’atteindre ces objectifs de réduction”, peut-on lire dans un communiqué. Les émissions liées aux vols internationaux, nécessaires pour accueillir les invités étrangers – ceux des pays voisins voyagent en train – sont à ce stade les plus difficiles à réduire, expliquent les organisateurs. Mais la Fashion Week de Copenhague entend bien redoubler d’efforts pour atteindre l’ensemble de ces objectifs dans les années à venir.

 241.000 de tonnes d’équivalent CO2

Sans être irréprochable, la semaine de la mode danoise a prouvé qu’il était possible de rendre l’événement mode le plus couru de l’année plus durable. S’il est difficile de mettre en parallèle cette Fashion Week avec celles des quatre capitales de la mode, du fait du nombre moins conséquent de défilés (29 shows à Copenhague, contre une centaine à Paris), nul doute que des efforts sont largement envisageables quant au gaspillage et aux déchets générés par ces semaines d’exception. La Fédération de la Haute Couture et de la Mode (FHCM) a d’ailleurs pris des engagements en ce sens avec la mise à disposition de deux outils d’accompagnement et d’éco-conception à destination de ses maisons membres. L’objectif étant notamment de mesurer l’impact environnemental, social et économique de la Paris Fashion Week pour entreprendre des actions afin de la rendre plus vertueuse. Et ce n’est pas tout, puisque la Fédération s’est également engagée en faveur d’une mobilité zéro émission carbone, et d’une aide au réemploi des matériaux et décors. Autant d’actions qui montrent que la semaine de la mode parisienne fait elle aussi doucement mais sûrement sa révolution green.

Reste désormais à accélérer ces efforts pour rendre l’ensemble des Fashion Weeks plus vertueuses. Chose qu’ont bien compris les acteurs majeurs de ces semaines placées sous le signe du luxe. “Je pense que ce que fait Copenhague est un exemple à suivre”, a d’ailleurs déclaré Steven Kolb, directeur général du Council of Fashion Designers of America (CFDA) au New York Times. Tout en précisant toutefois que si la semaine de la mode danoise était inspirante, il serait difficile d’imposer de telles normes aux nombreux créateurs inscrits au calendrier officiel de la Fashion Week de New York. Au regard de l’envergure de l’événement, comme à Paris, Londres, et Milan, la question des vols internationaux restera dans tous les cas une problématique de taille. Présenté en 2020, le rapport Zero To Market, réalisé par Carbon Trust et ordre.com, avait révélé que les déplacements générés par les Fashion Weeks des quatre capitales de la mode étaient à l’origine de l’émission de 241.000 de tonnes d’équivalent CO2 sur une année. Un chiffre impressionnant qui équivaut aux émissions annuelles de 51.000 voitures, ou à l’éclairage de la tour Eiffel pendant 3.060 ans. Recourir au virtuel, et pourquoi pas au métavers, pourrait alors constituer une solution, mais dénaturerait aussi totalement l’événement.