L’aide publique au développement (APD) constitue un pilier central de la politique étrangère luxembourgeoise. Mais face à la complexité et à l’interdépendance accrues des défis auxquels est confrontée la coopération au développement – climat, guerres, migrations, extrême pauvreté, malnutrition…, – le Luxembourg a revu en 2018 sa stratégie générale en matière de développement et d’action humanitaire. À quels pays et quels projets de développement s’adresse-t-elle ? Quel budget y consacre le pays ?
Texte : Marc Auxenfants
QUELS SONT LES ENGAGEMENTS DU LUXEMBOURG EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT ET D’ACTION HUMANITAIRE ?
Face à l’extrême pauvreté, qui est l’un des problèmes les plus urgents, de nombreuses personnes souffrent encore aujourd’hui de malnutrition et d’extrême pauvreté, « le Luxembourg poursuit une coopération au développement et une action humanitaire stratégiques, cohérentes et ciblées, » indique la Direction de la coopération au développement et de l’action humanitaire. La pauvreté extrême se concentre désormais dans des zones fragiles, souvent marquées par des conflits. Les impacts liés au changement climatique, aux pandémies et aux conflits, gagnent en ampleur et entraînent une augmentation significative des déplacements forcés de population, des mouvements de réfugiés et des migrations. Il s’agit pour le Luxembourg d’intégrer la complexité de ces mutations et de contribuer à la sécurité et à la stabilité mondiale. L’objectif principal consiste pour cela à contribuer à la réduction et, à terme, à l’éradication de la pauvreté extrême, à travers le soutien au développement durable sur le plan économique, social et environnemental.
COMMENT LE LUXEMBOURG COMPTE-T-IL ATTEINDRE UN TEL OBJECTIF ?
Le pays continuera de promouvoir une approche multi-acteurs conformément à l’Agenda 2030 « Transformer notre monde : le programme de 2030 pour le développement durable » et aux objectifs de développement durable (ODD) qui lui sont associés. Il s’agit d’assurer un niveau minimal de subsistance pour tous, en particulier aux plus vulnérables et défavorisés, dans un environnement basé sur les droits et offrant des chances égales, pour que chacun puisse librement déterminer le cours de son existence.
« Les partenariats multi-acteurs sont essentiels pour relever les défis de développement » – Direction de la coopération au développement et de l’action humanitaire
Par conséquent, le principe consistant à « ne laisser personne pour compte » (leaving no one behind), inscrit dans l’Agenda 2030 et le Programme d’action d’Addis-Abeba pour le financement du développement au cœur de notre nouvelle stratégie générale de la Coopération luxembourgeoise, qui évolue ainsi d’une priorisation sectorielle vers une approche plus inclusive. Cette approche est désormais fondée sur des thématiques prioritaires interconnectées (TIC) pour lesquelles le Luxembourg dispose d’une expertise et d’un avantage comparatif spécifiques.
QUELLES SONT CES THÉMATIQUES PRIORITAIRES ?
Elles sont au nombre de quatre principales :
- Améliorer l’accès à des services sociaux de base de qualité ;
- Renforcer l’intégration socioéconomique des femmes et des jeunes ;
- Promouvoir une croissance durable et inclusive ;
- Promouvoir une gouvernance inclusive.
Concrètement, ces thématiques s’appuient sur l’expertise luxembourgeoise acquise de longue date dans les secteurs de l’éducation/de la formation professionnelle, de la santé et du développement rural. Ceci, en intégrant de nouveaux domaines d’intervention et instruments innovants pour lesquels le pays peut mettre à profit ses avantages comparatifs en tant que centre financier international de premier plan ainsi que dans le secteur des TIC et des données numériques. Aussi, les mesures préconisées incluent notamment la promotion de l’offre et de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement afin de prévenir la propagation des maladies et de contribuer à une population en bonne santé ; le renforcement de l’appui à la sécurité alimentaire et de la nutrition ; le soutien au renforcement des systèmes de formation professionnelle et l’artisanat, en particulier dans le domaine des TIC et des emplois verts ; l’incitation à l’émergence d’un environnement favorable pour l’investissement et la croissance inclusive ; le soutien à la conduite de réformes sectorielles et administratives en vue d’améliorer l’offre et l’accès à des services publics de base de qualité.
« En 2023, l’aide publique au développement luxembourgeoise était de 536,47 millions d’euros. Ce qui représente 0,99 % du revenu national brut du pays » – Rapport d’activités 2023
Par ailleurs, ces quatre thématiques prioritaires tiennent compte de l’intégration de dimensions transversales, à savoir : le respect des droits de l’homme, l’égalité et l’équité entre les sexes, ainsi que la durabilité environnementale. Sur le terrain, en fonction des priorités et besoins spécifiques en matière de développement des pays partenaires, le Luxembourg développe des programmes et projets spécifiques dédiés à ces dimensions transversales. Cette priorisation stratégique des objectifs et de choix spécifiques s’effectue conjointement entre le Luxembourg et ses pays partenaires.
QUELS SONT CES PAYS PARTENAIRES ? SELON QUELS CRITÈRES S’EFFECTUE CE CHOIX DE PARTENARIATS ?
Le Luxembourg priorise les régions et pays dans lesquels ses programmes et projets bilatéraux de développement auront un impact. Leur nombre est restreint, afin de maximiser l’impact et la visibilité de son action de développement. Ses ressources financières disponibles sont certes élevées et généreuses en termes relatifs ; elles restent toutefois relativement modestes en termes absolus comparées aux budgets d’autres pays. Et ces actions de développement sont basées sur des accords généraux de coopération pluriannuels, qui suivent une approche-programme et reposent sur un engagement à long terme définis dans des Programmes indicatifs de coopération (PIC), conclus pour une durée de 5 ans. Concrètement, le Luxembourg alloue au moins 50 % de son aide bilatérale à ses pays partenaires prioritaires. Et compte tenu de son expérience et des partenariats existants, ce partenariat se concentre particulièrement sur les pays d’Afrique de l’Ouest et de la zone du Sahel. De plus, la priorité accordée à ces pays se base également sur l’expérience acquise par le Luxembourg dans les pays en situation de fragilité. Dans le cadre des partenariats existants, il cherchera, par ailleurs, à promouvoir et développer des approches de développement transfrontalier et intégré.
FINALEMENT, À COMBIEN SE MONTE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT LUXEMBOURGEOISE ?
En 2023, elle était de 536,47 millions d’euros. Ce qui représente 0,99 % du revenu national brut (RVB) du pays. En termes réels, en considérant l’inflation, elle a baissé de 1,8 % par rapport à 2022, selon le rapport d’activités ministériel 2023. En termes de montants absolus, elle a connu une augmentation de 6,5 % par rapport à 2022. Le Luxembourg figure donc toujours – avec la Norvège (1,09 %), la Suède (0,91 %), l’Allemagne (0,79 %) et le Danemark (0,74 %) – parmi les pays de l’OCDE qui ont maintenu leur APD à un niveau égal ou supérieur à 0,7 % du RNB. Et en termes absolus, les États-Unis restent le bailleur le plus généreux, suivis de l’Allemagne, de l’UE, du Japon et du Royaume-Uni. Sur le plan international, l’aide publique au développement a atteint un niveau sans précédent de 223,7 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 1,8 % en termes réels par rapport à 2022. Ceci représente 0,37 % du RNB combiné des membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE et le niveau le plus élevé jamais atteint. La hausse de l’aide publique mondiale dans les dernières années s’explique en grande partie par les dépenses liées à la pandémie Covid-19, par l’aide à l’Ukraine, envers la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Article initialement publié dans Femmes Magazine n°261 édition de décembre 2024, à retrouver ici.