Les enchères autour de l’Ukraine deviennent plus tendues. En dehors des aspects économiques, l’enjeu est d’un côté, la recherche d’un empire dictatorial perdu et la survie d’un autocrate et de l’autre, le maintien d’une zone d’influence au sein de laquelle la primauté du droit, le respect du droit international et des valeurs démocratiques existent.

Par Cadfael

L’Europe et la recherche de l’unité perdue ?

L’Europe se cherche. Elle a bien du mal à définir une voie commune avec des leaders faibles, des lobbies puissants et une majorité des citoyens désabusés. La crise ukrainienne devrait être l’opportunité d’une voie commune. Sur le plan politique, on est loin de cette vision, sur le plan militaire, les membres de l’OTAN convergent, certains traînant des pieds. L’Allemagne ne trouve rien de mieux à faire que d’envoyer 5000 casques aux Ukrainiens. Ce à quoi le maire de Kiev demande publiquement si le prochain envoi ne sera pas composé d’oreillers ? Depuis lors un doute plane sur Berlin. Afin de corriger la gaffe de sa ministre de la défense, le chancelier Scholz va déployer 350 militaires en Lituanie en évitant une proximité directe avec les troupes russes. La Lituanie a une frontière commune avec le Belarus, mais pas avec la Russie. Il exclut l’envoi d’armes en Ukraine, paradoxe lorsque l’on sait que la RFA est quatrième exportateur mondial d’armes. Le Bundestag a autorisé l’année dernière pour 10 milliards d’exportations de celles-ci. A l’époque Scholz était ministre des Finances de Mme Merckel. 

Des armes pour tout le monde

Les premières troupes américaines sont arrivées ce samedi en Pologne et les Russes transfèrent des avions de chasse vers le Belarus. Le jeu mortifère s’élargit. La Croatie, ancien membre de la République serbe devenue indépendante en 1991qui devra passer par une guerre sanglante pour le rester, est actuellement membre de l’OTAN et de l’Union européenne. Elle est de plus en plus sous pression de la part de la Serbie. Elle se fournit en armement aux États-Unis et en France. La Serbie, qui veut devenir membre de l’Union européenne, et est également un allié inconditionnel de Moscou, reçoit des livraisons massives de matériel ultra moderne, russe et chinois. La Hongrie, que certains observateurs qualifient de cheval de Troie de Poutine, et la Serbie ont une grande sympathie commune pour l’homme de Moscou, mais également une excellente relation commune. Ils ont signé le 8 septembre dernier « un accord de relations cordiales et de partenariat stratégique ». 

La grande amitié entre les peuples

Les Jeux olympiques se sont ouverts à Pékin jeudi dernier sous le boycott de la plupart des gouvernements occidentaux. Les observateurs ont souligné la présence du président Poutine et les manifestations ostentatoires de très bonnes relations avec le Premier ministre chinois Xi. Est-ce le prélude à un nouveau traité d’amitié militaro-politique entre Pékin et Moscou ?  Macron négocie à Moscou, Scholz est au même moment à Washington avec le président Biden. 

Liaisons dangereuses

Depuis des années Poutine pratique la « capture d’élites » qui peut se définir comme « les efforts pour recruter et cultiver les relations avec des membres de l’élite afin d’obtenir leur support en vue d’une politique spécifique et d’entretenir un climat de bonnes relations. » Certains y voient de la corruption.

L’archétype en la matière est l’ancien chancelier allemand Schröder, qui quelques jours après avoir quitté son mandat, annonçait qu’il entrait au conseil de Nords Stream II. Depuis, il y cumule des postes. Il y a quelques jours le géant russe Gazprom venait d’annoncer la nomination de Schröder au poste de président du directoire de Gazprom, qu’il cumule avec la présidence de Rosneft (pétroles). Gazprom rapporterait 600 000 dollars par an. Anders Aslund, économiste suédois, considère que Schröder est « l’agent russe le plus important en Europe » et lui donne un revenu estimé de 2 millions de dollars par an.

François Fillon, ancien premier ministre français, convaincu de fraude, travaille pour une société pétrolière russe de même que Mme Kneissel, ancienne ministre des affaires étrangères autrichienne nominée au conseil de surveillance de Rosneft. Dans ce genre courses aux postes russes on distingue l’ancien premier ministre finlandais Lipponen, Wolfgang Schüssel, ancien chancelier démocrate-chrétien autrichien et d’autres. En décembre dernier au Parlement européen, la question fut posée de savoir « si cela représente un danger et de la corruption ? ».

Liaisons dangereuses II

A Luxembourg, avec un profil proche de celui de Schröder, il y a Jeannot Krecké, qui peu de temps après son départ abrupt en tant que talentueux ministre de l’Économie devenait membre e.a. du conseil de l’East West United Bank (EWUB) à Luxembourg, filiale du russe Systema. Celle-ci vient d’annoncer sa promotion au poste de président de la banque. Etienne Schneider, ancien ministre de l’Économie ayant démissionné en 2020, est membre e.a. du conseil de Systema depuis 2020, un des plus gros fonds d’investissement russes selon Forbes.

Le 14 mai dernier, l’agence russe Interpress annonçait que l’EWUB, nommait comme directeurs indépendants M. Didier Mouget, ancien patron de PWC, toujours directeur indépendant à la Société Générale,  M. Robert Schaus, CEO de Presta Group, Kleinbettingen, actif dans les technologies d’embouteillage de gaz,  et Hans Ulrich Hügli, membre du Conseil d’administration de la Poste luxembourgeoise, de Vodafone Investment Luxembourg et de Tarneo Luxembourg, gestion de fortune ainsi que directeur à la DEKABANK, organe des caisses d’épargne allemandes. 

Comme le citait la NZZ de samedi dernier, la proximité entre l’allemand Schröder et Poutine est en train de devenir un problème politique sérieux en Allemagne à tel point qu’au Bundestag il est question qu’on enlève à Schröder ses privilèges d’ancien chancelier.