Si poules, lapins et autres œufs composent les choix incontournables pour offrir du chocolat à Pâques, les achats risquent d’être plus compliqués qu’il n’y paraît compte tenu de la proposition pléthorique existante autour de la matière cacao. On ne croque plus simplement dans un carré de chocolat. Sa dégustation est en train d’être complètement revisitée, voire révolutionner, par des chefs qui le travaillent comme une vraie recette gastronomique.
Dans le sud de la France, l’hôtel Baumanière, dont la table tenue par le chef Glenn Viel brille de trois étoiles, s’active à l’ouverture d’un nouveau quartier culinaire, celui d’une chocolaterie. Selon des informations de Fine Dining Lovers, confirmées par la maison elle-même, la propriété de Jean-André Charial, qui a inscrit les lieux au Panthéon de la gastronomie tricolore, a confié les clefs de ce nouveau projet à Brandon Dehan. Le chef pâtissier, déclinera une gamme de pralinés et de tablettes pour faire fondre de plaisir les clients de passage, qui n’étaient déjà pas près de s’ennuyer : la propriété proposant déjà une pléiade d’activités alimentées par un vignoble, une boutique, un spa…
La dégustation du chocolat repensée
À Paris aussi, la matière cacao s’est trouvée une nouvelle identité sous la spatule d’Aurélien Rivoire. Le pâtissier du grand chef Yannick Alléno a quitté les fourneaux du pavillon Ledoyen pour se consacrer entièrement à une boutique, qui revisite complètement la façon de déguster un carré de chocolat. À l’appui de ses recherches autour de la maturation et de la cryoconcentration, dont l’intérêt est d’obtenir un goût sucré sans ajouter de saccharose, le Lyonnais réussit à sculpter de fines bouchées que l’on doit consommer sans tarder pour saisir toute la fraîcheur et la richesse aromatique de ses recettes. Ces gourmandises en forme de trèfle ont été conçues comme un vrai plaisir gastronomique, à s’offrir à la maison. “On connaît aujourd’hui l’engouement pour le chocolat. Nous avons voulu transposer nos techniques à l’art du chocolat. Je me suis dit que c’était une façon d’amener le public à la gastronomie par le biais d’une porte accessible” nous avait indiqué Yannick Alléno, à l’occasion de l’ouverture de la boutique parisienne Alléno & Rivoire en décembre dernier.
Aussi, Aurélien Rivoire a mis au point des tablettes dont les compositions ont été spécifiquement pensées pour un accord avec un verre de cognac ou de champagne. Chez soi, on s’offre une parenthèse gastronomique avec ces créations de haut vol, constituées d’ingrédients de qualité, à l’image du pralin aux graines de lin et d’amandes ou celui au marc de saké. Compter 15 € la tablette de 90g. Une excellence qui a un coût, certes, mais qui incarne aujourd’hui une véritable innovation dans le monde du chocolat de dégustation. Le projet est d’autant plus un défi que le chocolat n’est pas du tout un accord recommandé avec un verre de champagne…
Au Limbar, le restaurant du quai du Louvre de Cheval Blanc Paris, transformé à l’occasion des fêtes de Pâques en chocolaterie, celui que l’on a longtemps surnommé le nouveau petit prince de la pâtisserie parisienne, Maxime Frédéric, a pris le soin d’opérer des associations réfléchies pour garnir ses œufs Pascals : un cacao de Bolivie pour l’œuf à la noisette, de la coco pour le chocolat au lait du Pérou, de la vanille bleue de la Réunion avec le sarrasin… On articule des accords dans les créations de Pâques comme on élabore des mariages entre un plat et un vin. Maxime Frédéric a même obtenu les toutes premières fraises de l’année – des ciflorettes, pour élaborer une revisite de l’association évidente du fruit rouge avec le chocolat. Des fraises entières sont insérées dans une tablette en chocolat. À l’instar des bouchées d’Aurélien Rivoire, celles-ci se mangent fraîches. Tous deux se sont engagés dans une revisite du chocolat en l’envisageant comme une matière de l’instant, une création éphémère à dévorer tout de suite.
Des sources d’inspiration (presque) inépuisables
Les origines du cacao sont des sources d’inspirations pour les chefs. “Avec une seule matière, les possibilités de création sont infinies”, nous a confié Michaël Bartocetti, le chef pâtissier du Four Seasons Hotel George V. Voilà comment le chocolat parvient à être toujours aussi moderne. Ce virtuose de la pâtisserie parvient depuis de nombreuses années à étonner avec ses délicieuses créations en usant de nouveaux ingrédients. Pour concevoir et renouveler son praliné, le chef explore l’intérêt des diverses céréales. Bartocetti avait exploité le croquant des graines de courge il y a deux ou trois ans, nous a-t-il rappelé. Pour Pâques 2022, il revisite la dégustation du pop corn avec un maïs concha, une variété aux grains proéminents, qu’il souffle et caramélise avant de l’associer à un cacao de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le tout vient garnir un oeuf de Pâques sculptural.
Sa dernière trouvaille : un mucilage en provenance du Vietnam. C’est le nouvel ingrédient à la mode. Même Valrhona, la grande marque qui alimente quantité de chefs en tablettes pour leurs desserts, a lancé une nouveauté intégrant cette pulpe blanche qui entoure les fèves de cacao. Les producteurs la sucent tel un bonbon depuis des décennies. À l’occasion du dernier salon du chocolat, la chocologue Victoire Finaz nous avait confié que “le mucilage, c’est la grande innovation du moment”. L’experte avait donc développé de nouvelles ganaches et des pralinés à base de cet ingrédient que les consommateurs doivent encore appréhender pour son goût acidulé. De son côté, Maxime Frédéric souligne la problématique que soulève l’utilisation du mucilage. “Je n’en utilise pas aujourd’hui parce que je ne sais pas bien les sourcer justement. C’est d’autant plus compliqué que pour travailler le mucilage il faut recevoir des cabosses fraîches. Et la durée de conservation n’est que de quelques jours”, nous avait-il indiqué.