À une époque pas si lointaine, les voitures se composaient de métal, de bois, de cuir, de toile et de caoutchouc. Aujourd’hui, ce sont des ordinateurs sur quatre roues qui nous espionnent.
Par Cadfael
Vie privée que vaux-tu encore ?
En France, une loi datant du 17 juillet 1970 insérait un article 9 au sein du Code civil afin de renforcer la protection de la vie privée de tout individu. Que vaut-il, aujourd’hui ? Il a été repris une dizaine d’années plus tard en droit luxembourgeois. Quelle est son efficacité au quotidien, face aux gadgets et artefacts connectés qui nous entourent ? À coups de milliards en marketing et en communication, des voitures connectées sont vendues, elles nous permettent une relation instantanée avec tout ce qui nous entoure. La Fondation Mozilla, vient de publier début de ce mois une étude concernant le respect de la vie privée par les grands constructeurs automobiles. Cette fondation californienne, sans but lucratif dont la mission est de préserver la liberté du net comme ressource ouverte et accessible à tous, est paradoxalement financée à 30 % par Google avec presque un demi-milliard de dollars par an. Cela n’enlève rien à la qualité de ses analyses.
Une nouvelle dimension de la liberté ?
La voiture est un produit hyperconnecté et ses constructeurs s’« engagent » à respecter la vie privée de l’utilisateur. Selon Mozilla « il semblerait que les Ford, Audi et Toyota de ce monde ont déplacé leur politique de vente de voitures vers la vente de données. » Ce serait « un cauchemar en matière de protection des données ». Les 25 marques automobiles les plus connues collectent à tout va, des données sur les clients. Cela se fait par l’intermédiaire de mouchards, caméras, microphones et sondes embarqués auxquels rien n’échappe. Ils regardent, écoutent et absorbent toute information sur l’activité de l’utilisateur. Chacune des 25 marques expertisées pendant plus de 600 heures collectionne plus de données personnelles que nécessaire, données qui sont ensuite utilisées pour des raisons autres que la gestion du véhicule.
Il ressort que 21 de ces sociétés se réservent le droit de partager les informations récoltées et 76% vendent les données personnelles à des organismes tiers. Un exemple : une société achète ce genre de données pour les travailler avec des algorithmes propres de telle manière à pouvoir, selon elle, définir la probabilité du jour, de l’heure et de l’endroit où une action criminelle ou terroriste aura lieu. Ces résultats sont ensuite revendus à des organismes de sécurité. On arrive au cœur des mécanismes de surveillance de masse. L’éthique entourant le négoce et l’utilisation de données personnelles dans les démocraties mériteraient plus d’attention. 56% des constructeurs avouent qu’ils transmettent vos données à des sources gouvernementales sur simple demande. Tandis que Nissan et KIA s’intéressent à votre activité sexuelle, six constructeurs s’autorisent à collecter les caractéristiques génétiques.
La collecte et l’utilisation de ces données sont tellement complexes que Mozilla a publié une étude séparée sur le sujet. Pour 88% des cas étudiés, les principes d’exploitation reposent sur la construction d’inférences, sur des raisonnements déduits ou induits par algorithmes à partir des informations récoltées permettant la construction des grandes composantes et leur mise en relation souvent causale ».
Et ensuite ?
Selon Euractiv la Commission européenne devrait pousser l’industrie automobile à adopter un code de conduite et à s’assurer que ce code est respecté. Sachant que l’industrie automobile est un fer de lance de nos économies et que la commission étant ce qu’elle est, ce vœu semble bien pieux. Il ne nous reste plus qu’à rêver avec nostalgie aux temps où la 2CV de notre jeunesse ne faisait pas seulement que transporter nos amours, mais également notre liberté.