Alors qu’elle est dans sa dernière saison professionnelle, Christine Majerus, qui a grandi à Fentange, revient sur son parcours, ses courses, cette époque pas si lointaine où le cyclisme féminin n’existait pas au Luxembourg. A 37 ans, elle se prépare à une nouvelle vie. On la retrouve fin août, après ses 4e JO et le Tour de France, au Pavillon du Parc de Merl où la championne arrive en vélo pour dérouler avec sourire et humour quelques pages de sa vie. Rencontre conviviale et décontractée.

Par Karine Sitarz

Quand le sport est-il entré dans votre vie ?

Je suis d’une famille de sportifs, mon grand-frère faisait du vélo, moi au début du tennis de table et du tennis puis de l’athlétisme. J’ai eu une vie scolaire classique au lycée Michel-Rodange mais étant douée pour le sport, je le pratiquais par plaisir, à aucun moment pour la performance. Jeune, j’ai fait des compétitions à Luxembourg et interrégionales mais cela s’arrêtait là.

J’aimerais que le sport et le sport de haut niveau en particulier soient plus reconnus au Luxembourg comme quelque chose d’utile à la société

À quel moment avez-vous eu le déclic ?

À l’université, j’ai dû arrêter le triathlon et l’athlétisme à cause d’une blessure mais j’ai gardé le vélo, mon point fort. Le souci est que le cyclisme féminin n’était presque pas présent au Luxembourg, il y avait peu d’accueil dans les clubs et l’équipe nationale n’existait que sporadiquement. Vers 18-19 ans, comme j’avais une licence et savais à peu près rouler droit (rires), j’ai fait le Tour de l’Ardèche avec l’équipe nationale qui manquait de coureuses. Cela a été ma première course internationale, j’ai fini dans les choux mais j’ai fini. Puis étudiante en France, j’ai eu la chance d’entrer dans une équipe UCI (Union Cycliste Internationale, ndlr).

Vous avez donc choisi des études de sport ?

J’avais commencé à Zurich en sciences de l’environnement mais je me suis cassée la clavicule, ai raté pas mal de cours, du coup en fin d’année j’ai décidé de revenir à mes premières amours. J’ai fait un Bachelor à Nancy puis une première année de Master à Paris et une deuxième à Lille. C’était un bon choix et à la fin des études, en 2012, j’ai intégré l’armée comme sportive de haut niveau. Une fois détachée, j’ai continué mon chemin.

Vous avez opté pour le vélo sur route et le cyclo-cross…

J’ai combiné les deux jusqu’à il y a trois ans puis arrêté le cyclo-cross à cause d’une blessure et d’une opération qui m’ont fait perdre un hiver. Difficile de revenir si on a raté une saison, histoire de ranking pour la saison d’après.

Quelle est la journée d’une cycliste ?

Il faut un bon sommeil réparateur. Je ne mets pas de réveil mais j’aime être sur le vélo avant 10 heures, c’est plus productif et cela me laisse du temps libre l’après-midi. Selon l’objectif de la journée, les sorties vont de 2h30 à 4h30. Je m’entraîne presque toujours seule, je suis plus efficace.

Quid de votre temps libre ?

Depuis quelques années, le dessin est mon passe-temps. J’ai illustré le livre pour enfants de Catherine Anen « E Vëlo fir de Muli » (2022), réalisé un jeu de mémoire sur le sport avec le « Roude Léiw », dessiné des cartes postales…

Dans votre métier, quels sont les grands sacrifices à faire ?

Dans le sport de haut niveau, il faut avoir une rigueur de travail et une hygiène de vie parfaites. Les moments de détente sont rares surtout depuis le Covid et côté social j’ai coupé des liens pour réduire les risques. On est aussi souvent absent de la maison, en fin de carrière cela pèse, voilà aussi pourquoi j’ai décidé d’arrêter.

Quelles sont vos plus belles courses ?

Mon premier top 10 au Tour des Flandres, je suis arrivée 8e, c’était le Graal, j’étais avec les meilleures. Puis j’ai gagné de belles courses. Il y a eu le festival Elsy Jacobs à la maison, le titre de championne du monde avec l’équipe au Qatar et ma médaille en chocolat au championnat du monde de cyclo-cross, j’en suis fière.

Les JO de Paris après Londres, Rio et Tokyo… Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Petite, je n’y pensais pas, c’était l’événement pour les tout meilleurs, moi je regardais à la télé. Après coup, se dire qu’on y a été quatre fois… je suis fière d’avoir représenté mon pays, mon sport, ma famille et mes amis. Les éditions étaient toutes uniques parce que j’avais un âge, une expérience, un niveau, une ambition différents. À Paris, j’ai eu mon meilleur résultat mais n’en suis pas satisfaite, 17e c’est mal payé pour la forme, la préparation, les possibilités que j’avais ce jour-là. La chute collective m’a mise hors course. Les Jeux de Paris sont ceux où j’ai le plus profité, à Tokyo il y avait le confinement. Être porte-drapeau devant une foule ou devant un stade vide… cela fait une sacrée différence !

Vous avez enchaîné avec le Tour de France…

Oui, cela s’est bien passé, j’ai encore en septembre le Tour de Romandie (en équipe) et le championnat d’Europe en Belgique (en individuel) et, si la sélection est confirmée, en octobre le Simac Ladies Tour aux Pays- Bas, ce sera sûrement ma dernière course.

Qu’est-ce qui vous attend après ?

La vie ! (rires). Depuis le début de l’année, j’ai les oreilles ouvertes pour voir qui peut être intéressé par mes compétences. En tant que sportive de haut niveau, on peut être utile dans une entreprise. D’un côté, j’aimerais rester dans le sport, de l’autre m’aventurer ailleurs.

Avez-vous eu un mentor ?

Je respecte et admire des athlètes pour leurs performances, leur état d’esprit mais n’ai pas d’idole. Jeune, j’étais fan de Lance Armstrong, il s’est avéré être un gros tricheur. Quand tu te rends compte que celui pour qui tu as pleuré quand il chutait, trichait, c’est un choc.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune ?

Croire en ses rêves, se donner les moyens d’y arriver, s’entourer des bonnes personnes, ne pas abandonner à la première difficulté, être inventif et s’adapter à toute situation. 

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