Des parents médecins, une passion pour la cuisine depuis ses plus jeunes années, un parcours estudiantin plutôt hétéroclite associés à une pratique sportive de longue date ont façonné le monde de Charles Brumauld. Journaliste et diététicien « libéré », il fait partie de ces nouveaux visages de la sphère healthy, et tente de nous réconcilier avec l’alimentation et notre approche du corps et de la minceur, certes, mais plus encore de la santé.

À l’approche du printemps, nous l’avons rencontré pour parler rééquilibrage alimentaire.

Qu’est-ce qu’un « diététicien libéré » ?

C’est un diététicien libéré de ses propres carcans : ceux des études, des croyances accumulées au cours de sa vie, de la parole et des injonctions. La liberté est une valeur très importante pour moi. C’est un axe de vie. Dans liberté, il y a libre. Libre de penser, de  dire et d’agir. Ce qui ne signifie pas faire n’importe quoi !

Prônez-vous la minceur ?

Je prône surtout un corps en santé, tout en essayant de lutter contre les formes délétères de surpoids et d’obésité.

Qu’est-ce qu’un joli corps ?

Un corps que l’on aime. Avec sa mincitude ou ses rondeurs, ses aspérités, sa mobilité, son histoire, son récit, ses marques…

Vous préconisez un rééquilibrage alimentaire, en lieu et place d’un régime. Quelle est la différence ?  

Ces deux stratégies alimentaires n’ont rien à voir. Le rééquilibrage alimentaire vise l’équilibre de vie, sur le moyen/long terme et n’a pas nécessairement pour objectif la perte de poids. Ça peut être l’un des effets, mais ce n’est pas l’objectif.

Le régime, lui, est souvent fait de restriction calorique (on mange moins, en quantités) et/ou suppression d’un groupe d’aliments. Dans la plupart des cas on perd du poids rapidement que l’on reprend ensuite. L’ANSES, une autorité de santé en France, l’a clairement démontré dans son rapport de 2010.

N’est-ce pas jouer sur les mots, pour revenir à la même chose au final ?

Pas du tout. Les approches ont très peu en commun. Le régime engendre souvent des privations, des restrictions et des frustrations. Il limite la commensalité des repas, le plaisir de partager des repas ensemble. Avec le rééquilibrage, on oublie la balance, on cesse de compter ses calories et l’on s’intéresse davantage à la qualité nutritionnelle de ce que l’on consomme. On accepte donc d’oublier la promesse des – 6 kilos en un mois et l’on apprend à faire des choix alimentaires plus justes pour chacun.

Peut-on vraiment modifier ses habitudes à long terme, sans que cela ne soit « forcé » ?

Oui, à condition de ne pas modifier – trop vite, trop fort – toutes ses habitudes ! Souvent, on veut un changement rapide, donc on bouleverse ses repères, et ensuite, il devient très difficile de retrouver son bon sens. En revanche, si l’on commence par diminuer la quantité de sucre que l’on met dans son café et que ça nous convient, c’est déjà un premier pas et un très bon début. Si on commence à cuisiner un peu, au moins le week-end et que ça nous convient, même chose. Le plus important, c’est de trouver des solutions auxquelles on ne réfléchit pas (trop). Sinon, cela ne peut pas perdurer dans le temps.

Peux-ton vraiment guérir des troubles alimentaires compulsifs ?

Bonne question. C’est compliqué de donner une réponse générale. Pour certain(e)s, cela peut prendre des années et la prise en charge dépasse largement le cadre de la pure diététique. Pour certains, cela doit passer par la parole, de mettre des mots sur ces maux, justement. Les troubles alimentaires peuvent être provoqués par des causes tellement diverses que cela relève du cas par cas : l’éducation, des croyances alimentaires erronées, des événements de la vie plus ou moins douloureux, des régimes à répétition…

Toutes les croyances alimentaires de nos parents sont-elles fausses ?

Pas toutes, mais pas plus ni moins que les nôtres. Les croyances alimentaires ont toujours changé selon l’époque et l’endroit où l’on se trouve.

Verbaliser ce que l’on mange, même si c’est dans une démarche positive, n’est-ce pas une autre manière d’en faire un problème ? Ne parle-t-on pas trop de ce que l’on mange ?

L’orthorexie consiste en la focalisation obsessionnelle du « manger sain ». On ne choisit alors ses aliments qu’en fonction de son impact sur la santé et/ou l’objectif minceur. Se préoccuper du contenu de nos assiettes, vouloir manger avec le moins de toxiques possible ou limiter les additifs, les exhausteurs de goût ou les aliments que l’on digère moins bien n’a rien d’obsessionnel. Tout est dans la mesure, l’équilibre, les nuances. On vit aujourd’hui dans une jungle alimentaire où chaque industrie essaie de se frayer un chemin jusqu’à nos intestins. Nous sommes donc parfaitement légitimes à ne pas toujours tout avaler les yeux fermés et à retrouver plus d’autonomie alimentaire.

Le gras est plébiscité au détriment du sucre, après dix années où ce fut l’exact contraire. Comment en pas redouter que dans 10 ans, une nouvelle lubie, préconisera de remanger du sucre ou de bannir les deux ?

On peut le redouter, bien entendu, car on change de dogme alimentaire régulièrement. Parfois au gré de la science, de la puissance des lobbies et/ou au gré de la « fabrique du doute » diligentée par ces derniers. On l’a bien vu pour le sucre, puisque les premiers travaux sur la question datent des années 60. Donc, on peut le redouter, mais on peut aussi suivre son bon sens, non ?

En parlant de lobbying, que pensez-vous la « fausse viande » et le « faux mage » et tous ces produits industrialisés qui surfent sur la mode du veganisme : n’est-ce pas une hérésie ?

Personnellement ? Je pense que certains produits sont encore plus mauvais pour la santé qu’un morceau de viande ! En tous cas, c’est une proposition alimentaire qui ne manque pas de piquant (sourire). Consommer des produits qui miment les codes d’un univers dont on dénonce les méfaits, c’est savoureux. Cela étant dit, je peux me tromper mais il me semble bien qu’il s’agit plutôt de « nouveaux » vegans, qui s’y « mettent » et qui n’ont pas encore découvert les possibles de ce mode de vie. Mais, effectivement, ces produits très transformés vegan n’ont rien à envier aux autres produits très transformés et maquillés (exhausteurs de goût, additifs…) comme une voiture volée.

Quel rapport entretenez-vous avec les aliments » d’origine animale » : lait, œuf, viande, laitage…

Depuis quelques années, je consomme moins de produits carnés, voire plus du tout depuis quelque temps. Je n’en ai plus envie, pour des raisons multiples. Je n’ai pas l’impression d’être en manque, de ressentir un besoin pressant et de me contrôler pour ne pas en manger. J’ai la chance de vivre dans une société où l’offre alimentaire est large et variée. Je fais confiance à mes sensations, à mes envies naturelles. Je ne mets donc dans aucune case volontairement, et en conscience.

Mais finalement, que doit-on manger pour être mince et en bonne santé ?

Je vous répondrais par une question ; que doit-on faire également ? Je songe au sport, bien sûr, mais également de façon plus globale dans notre manière de vivre… Les « il faut », et les « je dois » !, tout un sujet…

Pour répondre à votre question, je vais plutôt parler de santé que de minceur, désolé (sourire) ! Premièrement, il n’existe pas de régime parfait, pas plus que des aliments miracles. Donc, se gaver d’aliments dits « healthy » n’a pas de sens. Ensuite,  la grande majorité des aliments « devrait » ressembler à des produits bruts, frais, reconnaissables. Une aiguillette de poulet plutôt qu’un nugget de poulet. Une pomme plutôt qu’un jus de pomme. Un gâteau maison de 4/5 ingrédients plutôt qu’un biscuit (donc, cuit deux fois) comprenant un « poème » d’ingrédients incompréhensibles. Troisièmement, un temps de repas sanctuarisé, loin des écrans, d’au moins 20 minutes, pour bien mastiquer tous les aliments, faciliter la digestion et sur le moyen terme, mieux évaluer ses portions. Et… On se bouge ! 30 à 45 minutes de marche par jour. Le matin, le midi à la pause déj’, le soir en rentrant du boulot. Moins de Facebook, plus de Reebok (rires) !

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