Ce qui ressemble à un mauvais film d’espionnage des années 70 se déroule aujourd’hui : des assassinats orchestrés par un État totalitaire sur le territoire d’un autre État, bafouant allègrement le droit international.

Par Cadfael

Politique et assassinats d’état

Les États-Unis connaissent un regain de violence sans précédent dans leur politique nationale. La tentative d’assassinat ce week-end contre le candidat républicain à la présidence, Donald Trump, lors d’un meeting électoral, a mis en lumière l’extrême violence du processus électoral. Le bilan : un mort parmi les spectateurs et deux blessés, tandis que le service de sécurité tentait d’extraire Trump, légèrement blessé, dans un SUV blindé. Trump, plus virulent que jamais, a vociféré tandis que le tireur de 20 ans était abattu par les services de sécurité.

L’assassinat érigé en outil de résolution des problèmes de politique intérieure ou extérieure est une vision dangereusement biaisée. En Russie, l’assassinat, utilisé à bon escient et la cruauté comme message envers les opposants, est une spécialité historique de la doxa politique russe, depuis l’Empire tsariste, en passant par les Soviets, jusqu’au système actuel. En 1931, dans son ouvrage “La Technique du Coup d’État”, Malaparte cite Trotski qui aurait dit : « Les masses ne nous servent à rien, une petite troupe suffit. Une petite troupe, froide et violente. » Ironie de l’histoire, Trotski sera assassiné en 1940 au Mexique sur ordre du Kremlin.

Le message et la sanction

La pratique russe actuelle de l’assassinat comme un art de l’intimidation, de la sanction et de la communication pour discipliner ou semer le désordre s’inscrit dans une tradition bien établie. Elle démontre une impunité flagrante et une supériorité de la force, nourrie par un sentiment d’omnipotence.

CNN a publié, en fin de semaine dernière, des informations provenant des services américains concernant un complot visant à assassiner, entre autres, le président de Rheinmetall, une figure puissante mais peu connue. Cette multinationale allemande de l’armement, avec un chiffre d’affaires de plus de 6 milliards d’euros et 30 000 employés, est profondément engagée dans le réarmement de l’Otan et la fourniture de matériel divers à l’Ukraine. Une telle structure représente une épine dans le pied du maître du Kremlin.

Les services américains ont informé les Allemands de ce complot, et ces derniers ont pris les mesures nécessaires. La presse outre-Rhin souligne une recrudescence des activités et tentatives de sabotage russes en Europe.

Un système bien rodé

Que Poutine fasse éliminer des opposants, soit par balles soit par empoisonnements sophistiqués, n’est pas une nouveauté. Des figures politiques comme la journaliste Anna Politkovskaïa ou l’opposant Alexeï Navalny en sont des exemples bien connus. Il en va de même pour les transfuges des services secrets russes. On ne “trahit” pas impunément l’omnipotence du maître du Kremlin et de sa garde prétorienne.

Au Royaume-Uni, en 2006, Alexandre Litvinenko, un transfuge du renseignement russe, est empoisonné au polonium 210. En 2018, ce sont les Skripal, père et fille réfugiés en Angleterre, qui sont empoisonnés. Le père, un transfuge du renseignement militaire russe, avait été un agent double pour le Royaume-Uni. D’autres cas similaires ont été recensés. Le plus récent concerne un pilote russe d’hélicoptère qui a changé de camp en remettant son appareil et des documents aux Ukrainiens. Sa défection, orchestrée de main de maître par les services de Kiev, devait lui permettre de vivre sous le soleil de la côte espagnole, loin de la protection ukrainienne. En février, ce capitaine est retrouvé exécuté de six balles de Makarov, une des signatures des exécuteurs de l’État russe, selon les experts.

Une nouvelle ancienne guerre froide

Françoise Thom, spécialiste de la Russie et professeur émérite à la Sorbonne, écrit dans son dernier ouvrage “Poutine ou l’obsession de la puissance” : « La nouvelle génération kgbiste qui arrive au pouvoir avec Poutine diffère de la génération Primakov à la fois par son culte de la force brutale, ses complexes d’adolescents attardés, son inculture crasse, son mépris de l’expertise, sa surestimation de la manipulation. Avec Poutine, nous assistons à la mise en place d’une véritable guerre psychologique contre les pays occidentaux. Faute de pouvoir élever la Russie, on cherchera à abaisser l’Occident à son niveau. »

« Aujourd’hui, les services secrets russes sont comparables à une pieuvre qui utilise toutes les tentacules à sa disposition et dont la tête se trouve actuellement en Europe centrale. » Cette citation d’un responsable du renseignement occidental, publiée dans le Wall Street Journal, a fait le tour de la presse européenne. Heureusement, dans nos démocraties, les hommes passent mais les institutions demeurent. Le pouvoir ne se confond pas avec les individus. En politique, il leur est délégué temporairement par le peuple souverain de manière partielle et non absolue.

Le philosophe Carlo Sprenger pointe du doigt « l’inquiétude suscitée par l’idée que l’Occident ne dispose plus des moyens intellectuels et culturels pour défendre ses propres valeurs fondamentales. » Depuis Voltaire, la liberté est une discipline qu’il faut cultiver.

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