À sa tête depuis 20 ans, Catherine Chéry s’apprête à quitter le Planning familial pour la retraite. Engagée dans de grands combats, bosseuse et déterminée, cette féministe, sportive à l’allure élancée, a toujours œuvré loin des projecteurs. Elle a transmis son sens de la justice et de l’équité à ses filles, l’une journaliste, l’autre activiste, et rappelle à l’approche du 8 mars le besoin de réaffirmer les droits des femmes. Sympathique rencontre au café Bloom.
Par Karine Sitarz / © Charlotte Bruneau
Directrice du Planning familial, on vous connaît pourtant peu, pouvez-vous vous présenter ?
J’ai démarré en 2003 au Planning comme directrice administrative et financière avant d’en devenir en 2006 la directrice. Je n’ai jamais eu besoin d’être au premier plan dans les médias d’autant qu’avec des présidentes comme Dr. Marie-Paule Molitor-Peffer, Danielle Igniti et aujourd’hui Ainhoa Achutegui, nous avons toujours eu des personnalités fortes pour représenter le Planning. Moi, je suis heureuse quand les causes défendues ensemble avancent.
Quelle jeune fille étiez-vous ? Quels étaient vos rêves ?
Je suis née dans un petit village du Territoire de Belfort. J’ai grandi à la campagne et suivi une classe unique, cela forge le caractère. J’étais fille unique, bagarreuse au besoin. Au primaire déjà je revendiquais mon droit à jouer au foot avec les garçons. J’adorais courir dans les prés, ce goût de la liberté, je l’ai toujours protégé. A 17 ans, alors que mon père a pris sa retraite du journal (ndlr : rédacteur en chef à l’Est républicain), nous sommes partis à Cannes où j’ai fini le lycée. J’ai fait de l’athlétisme et de la natation, plus tard, à Sciences Po, du volley. J’aimais gagner !
Y a-t-il d’autres souvenirs de l’enfance qui vous accompagnent…
J’aime lire à voix haute, j’avais envie de théâtre, mais n’ai pas eu l’audace de me lancer. Je suis pourtant montée sur les planches, beaucoup plus tard, en 2005, à Esch-sur-Alzette, à la Kulturfabrik, pour lire un passage des « Monologues du Vagin » à l’occasion de la journée de la femme. Juliette Gréco était notre invitée. Impossible de rêver plus belle occasion !
Revenons à votre jeunesse…
J’avais un désir de justice, j’ai pensé devenir avocate ou professeure, le métier de ma mère, trop sensible, pensais-je, pour faire médecine. J’ai finalement opté pour les Langues étrangères appliquées à Nice, anglais et espagnol appliqués à l’économie et au droit et là j’ai senti que ça vibrait en moi. Puis je me suis orientée vers une maîtrise des sciences de gestion avant de rejoindre Sciences Po Paris.
Et vous êtes restée à Paris ?
Oui, je suis entrée chez Arthur Andersen, un Big Eight, pour faire de l’audit. Là, j’ai rencontré mon premier mari, mais comme on ne pouvait y travailler tous deux, j’ai rejoint la multinationale General Foods France où je suis restée jusqu’en 1986 quand ma première fille est née. Ces expériences m’ont outillée en compétences techniques et méthodes de travail. Cela a été une super formation.
Quand êtes-vous arrivée au Luxembourg ?
En 1988, mon mari y ayant trouvé un job. En 1991, ma deuxième fille est née et ce n’est qu’après son entrée à l’école que j’ai rejoint le CRP-Santé (ndlr : le Luxembourg Institute of Health) où j’ai retrouvé mon attrait pour la médecine. C’est là que j’ai rencontré mon second mari, un chercheur luxembourgeois. En 2003, le Planning en voie de professionnalisation, cherchait une chargée de direction. J’ai postulé et voilà 20 ans que j’y suis. C’est mon dernier poste, puisqu’en mai je partirai à la retraite, c’est mon expérience la plus longue, la plus belle, mais pas la moins difficile.
D’où vient votre engagement pour les femmes ?
Mon père était épris de justice sociale et d’intégrité. J’ai beaucoup appris par son exemple. Très vite, j’ai été sensibilisée à la défense des droits humains, des personnes vulnérables et marginalisées. Enfant, adolescente, jeune adulte… toutes celles que j’ai été à toutes les étapes de la vie se retrouvent dans mes combats au Planning qui font écho à l’actualité.
Lequel vous a le plus mobilisée ?
La légalisation de l’IVG. Quand je suis arrivée au Planning, la réflexion était déjà amorcée, mais nous avons connu des années de combat avant d’arriver en 2008 à un agrément pour sa pratique. Heureusement, nous étions entourées de Danielle Igniti et de Mars Di Bartolomeo, alors ministre de la Santé. En 2009, année d’élections, nous avons lancé la campagne « Si je veux ! ». Une loi de compromis a été votée en décembre 2012, mais il a fallu attendre celle de 2014 pour que l’IVG ne soit plus dans le Code pénal.
Que représente le 8 mars, journée internationale de la femme, alors qu’en 2023 les droits des femmes restent bafoués un peu partout dans le monde ?
C’est une journée de mobilisation et de sensibilisation à tous les niveaux de la société, l’occasion de rappeler les droits des femmes, de remettre l’ouvrage sur le métier, c’est hélas une histoire sans fin. Mais c’est aussi un moment où les femmes trouvent force et énergie dans des actions collectives.
Le Planning doit être très prenant, comment vous ressourcez-vous ?
C’est un peu un piège doré, car c’est un engagement de toute une vie. Heureusement, j’ai des hobbies. La plongée, passion que je partage avec une de mes filles et mon mari. Avec lui, je fais aussi de la randonnée. Observer la nature et les oiseaux m’apaise. Grâce à un congé sans solde de deux années, je l’ai d’ailleurs suivi en Afrique du Sud, pays d’origine de notre fils adoptif, où j’ai découvert une nature grandiose. J’aime être dans l’action, mais aussi dans le contemplatif.