La ministre écologiste de l’Environnement est accusée de ne pas avoir respecté la loi sur le recyclage des déchets dans la société Moulin JP Dieschbourg qu’elle dirigeait avant son entrée au gouvernement. Cette situation perdure toujours alors qu’elle en aurait été avertie il y a près de 8 ans. Carole Dieschbourg dément avoir eu connaissance de ces faits tandis que l’opposition dénonce un traitement de faveur accordé à l’entreprise familiale.

Carole Dieschbourg est-elle une adepte de la formule « faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais » ? La question se pose au vu de la polémique à laquelle fait face la ministre déi gréng de l’Environnement. Moulin JP Dieschbourg, qu’elle dirigeait jusqu’à son entrée au gouvernement en 2013, ne recycle pas ses déchets d’emballage, comme le prévoit la loi, selon une enquête publiée mardi par le Wort. Pire, elle n’aurait rien fait pour mettre fin à cette situation alors qu’elle en avait été personnellement avertie. L’entreprise familiale a ainsi bénéficié d’un régime de faveur de la part du ministère qu’elle dirige, dénonce en bloc l’opposition. 

Depuis 1990, la législation contraint les entreprises à recycler leurs déchets d’emballage. Elles peuvent le faire par leurs propres moyens ou en faisant appel à un prestataire extérieur. Cette obligation a été renforcée en 2017 par une loi portée par le propre ministère de Carole Dieschbourg. Dans les faits, toutes les entreprises tenues à cette obligation font appel à l’asbl Valorlux, seul prestataire du pays agréé pour assurer ce service. Ce que la ministre avait d’ailleurs confirmé en mars dernier en réponse à une question parlementaire. 

La ministre dément tout

Dans le Wort, Lucien Bertemes, ancien président de l’asbl, affirme avoir informé de façon informelle la ministre dès sa prise de fonction en décembre 2013 sur le fait que Moulin JP Dieschbourg ne figure pas sur la liste des entreprises faisant appel à Valorlux et se trouvait donc potentiellement en infraction. Mercredi, Carole Dieschbourg a démenti à deux reprises les propos de Lucien Bertemes, d’abord devant la Commission parlementaire de l’Environnement où elle avait été convoquée en urgence, puis au cours d’une conférence de presse tenue l’après-midi même pour tenter d’éteindre l’incendie. L’ancien président de Valorlux a pour sa part réitéré son affirmation. 

Carole Dieschbourg dit aussi avoir quitté la direction de la minoterie quand elle est devenue ministre et n’être plus, depuis, impliquée dans l’activité de l’entreprise familiale avec laquelle elle « a coupé les liens ». Selon les documents que nous avons consultés, la ministre a également cédé en décembre 2013 les 25% de parts qu’elle détenait dans la société spécialisée dans la production de farine bio et la torréfaction de café. Carole Dieschbourg fait encore état d’un courrier de Valorlux, daté de 2020, dressant la liste de 46 sociétés soupçonnées de se débarrasser illégalement de leurs déchets d’emballage. Mais Moulin JP Dieschbourg n’y figure pas, a insisté la ministre écologiste mercredi. La ministre affirme également qu’en amont de ces révélations, l’Administration de l’environnement a demandé à la société de se mettre en conformité.

Valorlux menacé par un député écolo !

Une ligne de défense jugée bien maigre par une opposition déterminée à mettre Carole Dieschbourg dos au mur. Dans une lettre conjointe adressée au président de la Chambre des députés, CSV, ADR, Dei Lénk et Piraten demandent la communication d’un autre courrier adressé par Valorlux le 21 janvier dernier à l’Administration de l’environnement faisant état de la « non-conformité » de la minoterie d’Echternach à la loi, une infraction pour laquelle l’entreprise encoure jusqu’à 251 000 euros d’amende.

Le député vert François Benoy défend la ministre et voit derrière cette affaire la main d’acteurs « qui n’ont aucun intérêt financier à voir baisser la quantité de déchets » alors que le gouvernement a mis en place une ambitieuse politique « Zéro déchet ». Rendant coup sur coup, la députée chrétienne-sociale Martine Hansen a rétorqué devant les micros « qu’au lieu de jouer la transparence, un député déi gréng a menacé Valorlux d’un audit ».

En attendant, l’opposition escompte bientôt plonger son nez dans un autre audit : celui de la SuperDrecksKëscht. En février dernier, la ministre de l’Environnement avait été contrainte de commander cet audit alors que son administration était mise en cause dans la gestion de l’établissement confiée à une société allemande. Le recyclage des déchets ne réussit décidément pas à Carole Dieschbourg. 

Fabien Grasser