L’histoire d’Herbert frère sœur débute à Fougères, en Bretagne, où le père de Camille et Flavien décida, il y a 40 ans, d’ouvrir un atelier de maroquinerie. En 2017, soucieux de perpétuer l’héritage paternel, malgré quelques hésitations, le frère et la sœur reprenaient l’atelier et en profitaient pour créer leur propre marque. Leurs créations, sublimées par des cuirs inaltérables traités par un tannage végétal en Italie et ornées d’un clou pyramidal, signature de l’entreprise, prennent vie entre Fougères et Hammamet. Elles rappellent la mode des années 80 et sont un doux alliage entre modernité et tradition.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire d’Herbert frère sœur ?

Il y a 40 ans, notre père a monté une entreprise de fabrication de petite maroquinerie, à Fougères, en Bretagne. Personnellement, j’ai fait des études dans l’industrie musicale. Quant à mon frère, il a opté pour des études de pharmacie. Lorsque notre père nous tannait pour travailler avec lui, nous lui répondions toujours par la négative. Il était impensable pour nous de vivre à Fougères. Nous avions tous les deux des domaines dans lesquels nous souhaitions faire carrière. Un beau jour, il y a 12 ans, mon frère s’est réveillé, au moment où notre père allait vendre son affaire, déçu qu’elle ne reste pas dans la famille. Notre père voulait faire le tour du monde en bateau, c’était son rêve de petit garçon. Il voulait vendre pour acheter son bateau. Alors qu’il avait un acheteur, mon frère a appelé notre père pour lui annoncer qu’il comptait reprendre l’entreprise. Ils ont donc commencé à travailler tous les deux. Au bout de cinq-six ans, mon frère est venu me voir pour me persuader de lancer notre propre marque, en avançant un argumentaire structuré. Il m’a confié que nous avions déjà tous les éléments pour réussir : le savoir-faire, les ouvrières, mais aussi la matière.

Très simplement, je lui ai demandé à qui reviendrait la lourde tâche de dessiner les produits. Ce à quoi il a répondu : « toi ». Mais je ne sais absolument pas dessiner (rires). Je me suis inspirée des sacs que ma grand-mère et ma mère portaient dans les années 80. Toute mon inspiration part de là. J’ai commencé à dessiner des modèles. Nous avons fait un premier salon en 2016, et nous avons livré dans une dizaine de boutiques, en février 2017. Mais le vrai lancement de la marque a eu lieu en juillet 2017, lorsque nous avons commencé à travailler avec un premier showroom. C’est à ce moment-là que nos sacs ont réellement rencontré nos clientes. Nous en sommes à notre seizième collection, j’apprends à dessiner petit à petit (rires). Nous avons toute une collection de sacs, de ceintures, de bananes, de petites maroquineries.

Quel a été le déclic pour vous ? À quel moment vous êtes-vous sentie prête à rejoindre cette aventure familiale ?

Je n’ai jamais été vraiment prête, j’ai pris le train en marche. Lorsque mon frère m’a dit « on fonde une marque », j’étais à mille lieues de penser à cette éventualité. J’évoluais dans l’industrie musicale, je faisais face à des problèmes personnels. Je n’étais absolument pas prête à lancer une marque. J’ai appris en faisant, j’ai vu que cela marchait et j’ai eu envie de continuer. Je n’ai pas eu de déclic.

« Notre père est toujours dans les parages »

Vous travaillez main dans la main avec votre frère, quel est le rôle de chacun ?

Mon frère, Flavien, dirige l’atelier. Il a plus le nez dans toutes les affaires financières et de production. Personnellement, je m’occupe de toute la création et des grands comptes des grands magasins. Je gère aussi le volet international et l’organisation des événements.

Est-ce compliqué de travailler en famille ? Est-ce que votre père garde un œil sur vos collections ?

Non, pas du tout. Nous nous entendons bien et nous sommes très complémentaires dans nos caractères et dans notre manière de travailler. Nous apprenons beaucoup de l’autre. Notre père est toujours dans les parages. Lui et mon frère sont des touche-à-tout, des Géo Trouvetou, ils ont constamment des idées lumineuses. Ils sont en réalité assez ingénieux, ils peuvent parfois me mettre la puce à l’oreille sur des concepts. Mais pour être tout à fait honnête la finalité, le dernier mot sur les collections c’est moi qui l’ai.

Votre entreprise familiale est empreinte de tradition, pourtant vos créations s’inscrivent dans l’air du temps. Comment parvenez-vous à associer modernité et tradition ?

Disons qu’en ce qui concerne la création, je fais ce qu’il me plaît et ce que j’ai envie de porter. J’ai comme une double vie, je fais beaucoup de rêves. Je revois les sacs que j’ai vu les jours précédents. Dans mes fantasmes nocturnes, je les transforme avec d’autres éléments auxquels j’ai été confrontée au cours de la journée. Cela peut être un arbre, une personne, un immeuble, un bijou ou bien un vêtement. Ils font que le sac vintage entre dans une autre dimension, un autre prisme. Le matin, je dessine ce que j’ai rêvé. La modernité passe par de nouvelles matières, dans la bijouterie, dans d’autres marques que je peux aimer qui m’inspirent. La base est vintage. Je n’ai toujours pas le goût du dessin, je galère beaucoup (rires). J’essaye de faire en sorte que mes créations soient comprises par mes équipes. Je passe du temps avec elles pour leur expliquer que ce petit trait qui n’est pas droit, cela va être le rabat du sac. Je n’ai pas de modéliste, j’essaye d’être le plus précis possible. J’apprends petit à petit à faire des croquis explicites. Je confie ensuite mes créations à une prototypiste qui s’attache à réinterpréter ce que j’ai imaginé.

Quelles sont la particularité de vos produits et la spécificité de vos cuirs ?

Nous avons des cuirs très onéreux, ce sont des cuirs pleine fleur au tannage végétal qui sont dans toute leur épaisseur. C’est un cuir assez gras, que l’on trouve en Italie chez un seul fournisseur. Nous n’avons jamais réussi à trouver le même ailleurs, en moins cher en tout cas. C’est une matière qui est extrêmement agréable, il s’assouplit et se lustre avec le temps. Il change de couleur, ce qui fait toute la beauté de nos produits. Les sacs sont presque plus beaux lorsqu’ils vieillissent que lorsqu’ils sont neufs. Ensuite, nous essayons d’incorporer dans les collections des velours, des matières un peu laminées qui apportent de la couleur. J’ai volontairement opté pour une bijouterie assez discrète, mais dans la galvanique un peu clinquante pour ne pas rentrer dans la bijouterie vintage qui est plus en vieux laiton. Il n’y a que des pièces dorées ou argentées. Je n’aime pas lorsque le nom de la marque est inscrit à l’extérieur des modèles. J’aimerais qu’un modèle puisse se reconnaître sans qu’il y ait aucune indication. Il y a un détail que l’on retrouve sur tous nos produits, il s’agit d’un petit clou pyramidal.

« Nous sommes une marque familiale, nous essayons de faire passer le client avant tout »

Comment se déroule votre production ?

Nous avons un atelier en Tunisie, qui a le même nom que celui que nous avons en France. Mon père et mon frère l’ont créé il y a 12 ans. Nous avions beaucoup de demandes de sacs à main, le prix du coût minute de ces derniers devenait trop important. Nous employons 50 personnes à Hammamet. Nous sommes fabricants de ceintures à la base. Ces dernières sont fabriquées à Fougères, alors que nos sacs prennent vie en Tunisie. Nous contrôlons la production à 100 %. Nous avons un savoir-faire unique en Bretagne. Nous vendons ensuite nos produits dans notre boutique ainsi que dans 300 points de vente, dont les Galeries Lafayette, en France et dans le monde. Nous essayons de développer le marché américain, puisque la marque plaît beaucoup là-bas. Nous y allons tous les six mois pour des salons.

Comment définiriez-vous l’identité d’Herbert frère sœur ?

Nous sommes une marque familiale. Nous essayons de faire passer le client avant tout. J’ai décidé de mettre mon numéro de téléphone portable partout sur internet. C’est hyper important pour moi de pouvoir répondre à une question qu’une cliente se pose. Je travaille en famille, avec des amis, avec des gens avec qui j’ai envie de passer du temps. J’arrête de plus en plus les clientes dans la rue, lorsque je les vois je hurle, elles finissent par hurler aussi (rires). Nous rions ensemble, puis je leur explique finalement pourquoi je les ai arrêtées.

Quelle émotion avez-vous ressentie lorsque vous avez eu en main votre premier sac sorti d’usine ?

J’étais hyper fière, j’avais envie de pleurer. Pour la petite anecdote, tous les sacs portent le surnom de personnes que nous aimons. Il y a par exemple Le Mamour, c’est le surnom de mon meilleur ami depuis 30 ans, ou le Sab, diminutif du prénom de notre maman. Quant aux ceintures, elles portent le nom d’un lieu qui fait partie de notre histoire. Cela peut être le nom d’un bar, d’une rue, d’un pays, d’un restaurant.