Trois restaurants, une chaîne de huit Cocottes, 30 ans de métier et une entrée à la 100place du classement des personnalités économiques les plus influentes du Luxembourg : Stéphanie Jauquet mutliplie les projets et ne recule devant rien, pourvu qu’elle puisse voler de ses propres ailes.

Une alchimie génératrice de succès qu’elle évoque avec Femmes Magazine en ce début d’année.

S’il n’y avait qu’une seule chose à retenir de votre parcours, ce serait ?

Les rencontres que j’ai pu faire tout au long du chemin parcouru.

Avez-vous toujours rêvé de travailler dans la restauration ? 

J’ai commencé à 16 ans, en travaillant comme baby-sitter pour des voisins qui avaient un complexe hôtelier. J’ai tout de suite compris que ce métier me passionnerait. Aussi, je me suis donné les moyens de faire de ce job d’étudiante mon métier. A l’époque, je suivais des études de sciences commerciales, je me suis donc spécialisée ensuite dans la gestion hôtelière.

Cela fait 30 ans que vous travaillez dans la restauration, ne vous êtes-vous jamais lassée ?

Absolument pas. Non seulement parce que j’ai occupé différentes fonctions, mais également, et surtout, parce que ma profession a considérablement évolué au cours de ces trois décennies. A présent, en tant que chef d’entreprise, je jongle sans cesse avec les casquettes. Cet après-midi, je ferai de la comptabilité avant de tester de nouvelles recettes pour les Cocottes. Ce matin, j’avais des rendez-vous avec des architectes pour évoquer quelques travaux au Plateau. Je m’occupe des relations avec les clients et les fournisseurs. Cette multiplicité des tâches me plaît autant qu’elle me permet de ne jamais m’ennuyer.

Devenir chef d’entreprise était une suite logique ?

J’aspirais surtout à davantage de liberté lorsque j’ai décidé de me lancer. Même si je savais pertinnement bien que cela comportait également beaucoup de contraintes et de responsabilités. J’aime prendre des décisions, bien plus qu’on ne me les impose (sourire) !

Pourquoi être passée de la restauration classique au secteur du take-away, avec les Cocottes ?

Lorsque j’ai fondé ce concept, je me suis dit qu’un jour prochain, je n’aurai plus envie de faire de la restauration traditionnelle. C’est un secteur très difficile ; recruter du personnel est de plus en plus compliqué. C’est un peu ma façon de préparer ma reconversion professionnelle. Le jour où ces difficultés prendront trop d’ampleur, j’aurai les Cocottes. Une grande partie de mon personnel, d’ailleurs, est composée de personnes de l’Horeca, lassées des horaires et des contraintes de ce milieu. C’est un secteur d’acticité très difficile, il ne faut pas l’oublier.

Avez-vous des regrets ?

Peut-être un seul : que mes parents ne soient plus là pour voir tous les projets que j’ai accomplis. Lorsque j’ai annoncé à ma mère que je voulais faire de la restauration mon métier, elle s’y est opposée. J’aurais aimé qu’elle voit que cette profession, même si elle est difficile, peut mener à de belles choses. Cela les aurait rassurés.

Le secteur de l’Horeca est réputé pour être plutôt masculin. Cela ne vous a pas effrayé ?

Non. C’est vrai que c’est plus compliqué lorsque l’on est une femme. Lorsque j’ai pris le Plateau, il y a 20 ans, j’ai dû faire doublement mes preuves. En cuisine, je ne côtoie que des hommes, ou presque. Pour autant, être une femme ne m’a jamais empêché d’aller là où je voulais me rendre.

Le management est différent selon que l’on est un homme ou une femme ? 

J’apprécie que l’on m’estime l’égale d’un homme, même si je ne me considère pas comme féministe. Je ne me suis d’ailleurs jamais posé la question. Cela relève davantage des caractères de chaque individu, je pense. Mes employés m’appellent souvent « maman », j’aime cette idée que nous soyons une grande famille. Je délègue beaucoup, je fais confiance à mes collaborateurs. Heureusement, car je ne pourrais pas tout faire seule !

La confiance et savoir déléguer sont des qualités fondamentales pour être un bon manager ?

Ce sont les deux qualités sine qua non. Pour cela, il faut savoir s’entourer des bonnes personnes. Ensuite, je donne à mes employés le matériel dont ils auront besoin, je forme les équipes, je leur explique la ligne directrice : à eux de gérer ensuite. Je leur laisse carte blanche.

Quels sont vos atouts ? 

La générosité et l’honnêteté. Que ce soit dans mes relations avec les personnes avec lesquelles je collabore ou dans mes restaurants, dans les plats, les cartes que je créés.

Vous occupez la 100eplace du Top100 paperJam, qui classe les personalités économiques les plus influentes du pays. Est-ce une fierté ?

Y entrer en étant belge, en étant une femme et en travaillant dans la restauration a été une triple surprise pour moi (sourire)! Je n’ai jamais pris le temps de me poser pour regarder ce que j’avais accompli. Je fonce, j’avance, je progresse. Cela m’a permis de me rendre compte qu’en dix ans, j’avais multiplié par dix mon chiffre d’affaires. C’est une grande fierté.

Le secteur de la restauration est très concurentiel. Comment parvenez-vous à vous distinguer ?

La force des Cocottes est de répondre à toutes les demandes. Nous proposons aussi bien des plats healthy, sans gluten, véégtariens ou vegans, que des recettes traditionnelles. La carte puise dans les influences thaïes, italienneS ou françaises. Il y en a pour tous les goûts, toutes les envies et tous les moments : que vous mangiez votre sandwich en marchant, que vous déjeuniez à votre bureau ou que vous emportiez des plats pour un dîner en famille ou entre amis, chez vous. Tout le monde peut y trouver son compte. Notre autre atout est l’exigence de nos recettes. Un jour, l’un de mes collaborateurs m’a dit : « le rayon est joli et coloré, on voit qu’il y a de l’amour dans nos recettes ». Je ne pourrais pas mieux le dire. Nous revenons d’Anvers, où nous sommes allés visiter des enseignes similaires à Cocottes : nous sommes fiers de constater que nous, nous plaçons le goût au dessus de tout.

Vous expliquez élaborer vos recettes à partir de produits frais, sélectionnés autant que faire se peut dans un circuit court. Pourtant, on peut remarquer l’utilisation d’additifs dans la liste des ingrédients…

C’est vrai : ces additifs proviennent de certains produits transformés que nous sommes contraints d’utiliser pour nos recettes. Je songe à la sauce soja, par exemple, ou les conservateurs que l’on trouve dans le jambon. Dans nos ateliers, en revanche, nous n’utilisons aucun additif.

Nous avons également été attaqués parce que nous utilisons le plastique pour nos emballages. Cependant, celui-ci est recyclé et recyclable. Nous mettons un point d’honneur à trier nos déchets – et à inciter nos clients à faire de même – dans tous nos points de vente. Utiliser du PLA ? Pourquoi pas. Mais seulement quand celui-ci sera fabriqué en Europe et pourra y être recyclé. Pour l’heure, il faut l’acheter en Asie, ce qui est très mauvais pour notre empreinte carbone, et celui-ci finit dans les poubelles noires, car, exception faite de l’Allemagne, aucun pays de l’UE n’est en mesure de le recycler…

Quels sont vos projets ?

Nous installerons les cuisines des Cocottes dans un immense bâtiment de 2000m2. Ce sera pour juillet. Cette année, nous ouvrirons également deux autres points de vente, l’un à Belval et l’autre dans le projet Infinity, au Kirchberg.