Inspirante. S’il n’était qu’un mot pour la qualifier, il serait celui-ci. Fondatrice de Largowind, récemment récompensée par le Creative Young Entrepreneur Luxembourg et finaliste du concours Woman Business Manager of the Year 2017, Mathilde Argaud est une femme passionnée à l’ambition inégalable. Après la France et l’Autriche, c’est au Luxembourg qu’elle vit son rêve éveillé.

Vous avez récemment été désignée entrepreneur le plus créatif de l’année par la Jeune Chambre économique du Grand-Duché du Luxembourg, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

J’ai fait une école d’ingénieur à l’Ecole des Mines, en génie industriel, par alternance. A la suite de cela, j’ai commencé à travailler avec cette même idée, celle que j’avais en tête depuis mes 15 ans : créer ma société. Mon père avait la sienne, il construisait des pièces pour bateau. J’étais régulièrement avec lui et ça m’a inspiré. Je voulais gagner en expérience, afin de pouvoir ensuite monter ma propre société. J’ai débuté mon aventure professionnelle en France, avant de me rendre en Autriche pour deux ans dans une société intra-logistique. Un beau nouveau challenge ! C’était une langue que je ne connaissais pas, une équipe entièrement composée d’hommes. A la fin de ces deux ans, je me suis dit que cle moment était venu de me lancer. Mais, pour ce faire, il me fallait un emploi plus calme. J’ai eu une opportunité au Luxembourg. Lors de ma deuxième année dans l’entreprise, lorsque nous avons vu avec mon père toutes les nouvelles technologies, les objectifs connecté s: nous nous sommes dit qu’il y avait quelque chose à faire. Il y avait de nouveaux services à apporter. Nous avons creusé et nous avons eu l’idée de créer Largowind.

Comment avez-vous eu l’idée de création de Largowind ?

J’ai tout simplement était influencée, ou, en tout cas, supportée par mon père. Nous étions tous les deux passionnés de bateau et avions un gros réseau, nous nous sommes dit que nous pouvions attaquer quelque chose. Les nouvelles technologies, les outils de communication à distance… Pour la petite anecdote (rires), je me souviens qu’avant de quitter son bateau, il nous laissait dans la voiture pendant une demi-heure voire quarante minutes le temps de tout vérifier. Lorsque nous vivions à Saint-Etienne, en cas de tempête, nous ne dormions pas sur nos deux oreilles. C’est pour cette raison que nous nous sommes dit qu’il y avait quelque chose de plus à apporter dans ce domaine. Nous pouvions avoir une vision beaucoup plus globale, qui pourrait se développer sur tout le périmètre du bateau. Mon père s’inquiétait beaucoup, il n’avait qu’une seule envie : être sur le bateau.

Si c’était à refaire, que changeriez-vous ?

Si c’était à refaire ? Je ne changerais absolument pas. C’est un grand pas. Je me souviens que quand j’ai quitté la société luxembourgeoise, mon patron m’a regardé et m’a dit : « wow, tu sautes sans parachute pour une chose en laquelle tu crois mais sans certitude ». Je m’étais créé un réseau, une certaine notoriété, pour lui, il était impressionné par mon choix de monter une start-up. J’aurais pu me demander « pourquoi j’ai fait ça ? », mais je ne regrette rien. Je m’étais fixée de me rendre à l’international, de gagner en expérience et de créer ma société. J’en suis fière.

De quels soutiens avez-vous bénéficiés ? De quels soutiens auriez-vous souhaités bénéficier ?

Dans toute cette histoire, j’ai commencé cette aventure avec mon père qui m’a poussée et m’a permis de réaliser mes rêves. Il avait tout le réseau, toute l’expérience autour de tout ça. Il est décédé au moment de la création. Si ce rêve est devenu réalité, c’est en partie grâce à lui. J’ai eu beaucoup de chance sur le plan personnel d’être accompagnée et soutenue par ma famille. Et puis, il y avait mes amis autour. L’équipe que j’ai constitué également. Sans Maxime et Christiane, je ne serais pas là aujourd’hui.

Sur le plan plus professionnel, c’est tout simplement l’environnement luxembourgeois qui est super propice à la création d’une société. J’ai été soutenu par Luxinnovation et Fit4Start, ça m’a permis d’être là aujourd’hui. C’était un programme d’accélération de quatre mois intensif où nous sommes coachés et validés. L’idée est de réussir à trouver la pertinence de notre projet. Si nous sommes gradués, nous avons six mois pour réaliser une première levée de fonds. Le Luxembourg peut par la suite ajouter 100.000€ de plus. Entre les coachings et l’argent, nous sommes dans une situation idéale pour attaquer la création de société. Au Luxembourg, on nous porte pour réussir.

Quelle a été votre plus grande réussite ?

Je suis assez fière d’être là où j’en suis aujourd’hui. Si on m’avait dit ça il y a cinq ans, je vous aurais regardée avec des yeux qui disent « mais vous êtes fou c’est pas possible, c’est de la folie » (rires). C’est bien de prendre du recul et je me dis « woooow tout ce qui a été accompli » (rires). Je ne l’ai pas fait seule, j’en suis consciente et je remercie toutes les personnes qui m’ont soutenue, qui m’ont aidée, qui ont osé me dire « non il ne faut pas que tu fasses comme ça ».

Quels sont vos prochains challenges ?

Il y en a tellement qu’il faut que je choisisse quelque chose de global (rires). Réussir à commercialiser le produit, passer du prototype à un produit succesful sur le marché et qui est à l’image de ce que les clients attendent. Ce n’est pas toujours évident, ils sont à la recherche de telle ou telle option, il faut trouver le bon compris afin de proposer un produit qui satisfasse au mieux le client.

Lorsque l’on est la fondatrice d’une entreprise, le fait d’être une femme est-il un frein ou un atout, selon vous ?

Je ne vais pas pouvoir vous dire que tout est blanc ou tout est noir. C’est un avantage, dans le sens où c’est plus rare, et donc nous sommes davantage portées et soutenues, d’une certaine façon. En tout cas, ça a toujours été à mon avantage jusqu’à présent. En revanche, c’est un frein du point de vu de la crédibilité en face d’un professionnel. Lorsqu’un homme soutien une start-up, il est immédiatement propulsé sur le devant de la scène. En tant que femme ingénieure, il faut plus d’énergie et de volonté pour faire ses preuves et donner confiance à la personne qui se trouve en face de nous.

J’approche la trentaine et j’aurais aimé pouvoir mettre mon argent de côté pour construire une maison et une vie de famille, même si l’un n’empêche pas l’autre. Ce qui est également assez drôle, lorsque nous comparons, c’est qu’une femme qui prend une décision aura beaucoup plus de doutes. Nous nous posons plus de questions et nous jouons au feeling, tandis qu’un homme se dira plus « j’y vais, et puis on verra bien » (rires). C’est en quelque sorte ce qui fait nos forces et nos faiblesses. Il y a beaucoup de côtés positifs, nous sommes poussées et mises sur le devant de la scène. Par la suite, il faut savoir se faire entendre.

Quelles sont les forces que doit posséder un chef d’entreprise ?

La persévérance sera la première chose que je vais vous dire. La passion, croire en son projet, son idée. Une autre chose, qui découle de mon expérience personnelle, c’est de faire confiance à son entourage et de bien savoir s’entourer. Seul, nous ne pouvons pas soulever ou escalader des montagnes. La partie management est importante. Enfin, il faut oser.

Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui veulent se lancer dans l’entreprenariat ?

Foncer (rires), de foncer parce que nous nous posons trop de questions et que c’est une très belle aventure qui nous forge humainement et professionnellement. Il ne faut pas trop attendre. Certes, il y a des phases de doutes mais il faut se dire que, quelle que soit l’issue, ça reste quelque chose à vivre. Il faut oser, ne pas rester sur un regret. Il y a toujours des choses positives, c’est un peu comme les montagnes russes mais c’est juste génial, magique comme expérience. Il n’y a pas de raison pour que l’homme ose et que nous n’osions pas. Encore une fois, nous avons énormément de points forts qui font que nous pouvons très bien réussir.

 

Sabrina Pontes