Peut-être parce qu’il s’écrit dans l’intimité d’un foyer, le burn-out parental reste un syndrome méconnu. Pourtant, il est évident que ses conséquences sont bien réelles, tant sur la santé physique et mentale des parents que sur la vie familiale. C’est pourquoi il est essentiel d’en connaître les symptômes et de se faire aider dès qu’ils apparaissent.

Qui n’a jamais eu envie de mettre son rôle parental sur pause pour s’offrir une parenthèse loin du domicile familial… Histoire de se poser et de se sentir libre, l’espace d’un instant. Car même si nos chères têtes blondes nous procurent un bonheur incommensurable, avoir un enfant n’est pas de tout repos. Les caprices à répétition, les nuits saccadées, la gestion des activités… Le stress lié aux responsabilités parentales provoque chez certains d’entre nous un état d’épuisement physique, émotionnel et mental qui s’installe dans le temps. On parle alors de burn-out parental. Car contrairement aux idées reçues, le syndrome n’est pas cantonné à la sphère professionnelle. Il s’immisce parfois dans la vie familiale. « Le burn-out parental est un épuisement du parent, c’est l’impression de ne plus avoir la force et les capacités à maîtriser le rôle qui l’incombe. Celui qui traverse cet état se sent impuissant, au quotidien », détaille Méline Heuer, éducatrice spécialisée en accompagnement psychoéducatif, collaboratrice auprès de l’Initiativ Liewensufank dans le cadre du BabyPLUS. « Au contraire de la dépression qui découle d’un état de mal-être général, le burn-out parental est totalement lié au rôle de parent », poursuit-elle.

Plus qu’une simple fatigue passagère

Le burn-out parental est un phénomène de plus en plus présent. Mais comment savoir si on en souffre ? Après avoir mené une série d’études sur le sujet, Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam, professeures de psychologie à l’université catholique de Louvain (UCL), ont identifié quatre symptômes. Il y a d’abord un épuisement persistant, qui, dans ce cas précis, est lié à la parentalité. « On ne parle pas ici d’une simple fatigue passagère qui s’installe après une série de mauvaises nuits et qui touche de nombreux parents. Il est question ici d’un épuisement intense et prolongé », précise Tania Hemmer, éducatrice graduée experte en burn-out parental et chargée de projets à l’Eltereschoul (l’École des parents). Un autre des symptômes à repérer c’est la distanciation affective avec ses enfants.

« Les conséquences les plus graves sont celles directement liées aux enfants »

« Le parent touché remplit ses obligations, sans aucune émotion. Il agit comme un robot et n’éprouve plus aucun plaisir à être en présence de ses enfants. La perte d’épanouissement parental est un autre signe auquel il faut faire attention », détaille l’éducatrice graduée qui est aussi coach parental systémique. Enfin, il y a ce décalage entre le parent que l’on est devenu et celui que l’on souhaitait être. « Dans la plupart des cas, le burn-out parental survient chez des parents qui sont très perfectionnistes et qui veulent tout faire bien : concocter des plats faits maison, ne pas trop crier… Avant même d’avoir un enfant, ces derniers se posaient énormément de questions sur la parentalité. Ils se mettent une pression immense sur les épaules », poursuit-elle.

Une vie familiale perturbée

Le burn-out parental peut en réalité atteindre chaque parent et les conséquences peuvent être néfastes. « Il existe cinq facteurs de risque : sociodémographiques (l’environnement, le niveau social, les études), situationnels, personnels (attachement anxieux, personne perfectionniste), parentaux (restriction du rôle, manque de chaleur dans la pratique éducative) et familiaux » détaille Méline Heuer. « Ce sont des catégories de facteurs dans lesquelles se situent les ressources et les stresseurs de notre vie. La parentalité, c’est comme une balance », ajoute Tania Hemmer. L’épuisement parental peut avoir des effets, tant sur la santé physique et mentale des parents, que sur la relation avec les enfants. Le syndrome joue directement sur la qualité du sommeil. Des troubles psychiques, allant jusqu’à l’apparition d’envies suicidaires, peuvent également apparaître. Les symptômes du burn-out parental sont semblables aux troubles dépressifs.

« Le parent atteint de burn-out parental remplit ses obligations, sans aucune émotion »

Dans certains cas, le rôle parental peut devenir tellement envahissant qu’il peut impacter la vie de couple. Toute la famille peut s’écrouler. « Le parent, atteint de burn-out parental, peut développer des sentiments inversifs envers son enfant. Dans le pire des cas, il peut même devenir négligent, voire maltraitant », explique Méline Heuer, éducatrice spécialisée en accompagnement psychoéducatif, collaboratrice auprès de l’Initiativ Liewensufank dans le cadre du BabyPLUS. « Les conséquences les plus graves sont celles directement liées aux enfants. Il peut subvenir de la négligence, qu’elle soit affective, éducative ou physique. Il peut aussi y avoir une augmentation des risques de violence sur l’enfant. Ces conséquences vont avoir un impact direct sur son développement », poursuit Tania Hemmer.

Le parent parfait n’existe pas

À la manière d’un salarié, qui voudrait atteindre l’ensemble de ses objectifs, celui qui devient parent se lance dans un marathon à la perfection pour donner à son enfant la meilleure éducation possible. « Parce qu’ils croulent sous le poids des injonctions, certains parents finissent par craquer », constate Méline Heuer, éducatrice spécialisée en accompagnement psychoéducatif. Si la parentalité a toujours été une responsabilité exigeante, la pression sur les parents semble aujourd’hui être exacerbée. Les images idéalisées de la parentalité qui pullulent sur les réseaux sociaux en sont pour beaucoup. Tout comme la multitude de livres ou blogs sur tous les aspects de l’éducation. Le rôle occupé par l’enfant, au sein de la société, mais aussi de la famille et du couple, a aussi grandement évolué.

« En tant que parents, nous avons tendance à ne parler que des bonnes choses. Nous avons aussi tendance à comparer les avancées de nos enfants avec ceux de notre entourage, ce qui accentue encore un peu plus la pression que nous nous imposons », confirme l’éducatrice graduée qui tient une permanence tous les mercredis après-midi au Café des parents d’Esch/Alzette, un lieu unique (fondé en 2016 sous l’égide de l’Eltereschoul (l’École des parents) et de la fondation Kannerschlass), où les parents peuvent venir exposer leurs problèmes. Pourtant, chaque famille a ses propres défis, ses propres dynamiques et son propre rythme. Rien ne sert de courir après la perfection, puisque aucun parent n’est parfait. Il convient de laisser tomber cette idée et faire de son mieux. Les erreurs font partie de la parentalité, il faut faire preuve de bienveillance envers soi-même.

Un accompagnement indispensable

Heureusement, le burn-out parental n’est pas une fin en soi, il est possible de sortir de cet état. Et pour s’en défaire, l’aide professionnelle est indispensable. Il existe différentes structures spécialisées, au Luxembourg. De plus en plus de psychologues et médecins généralistes suivent des formations pour en savoir davantage sur le syndrome afin de mieux accompagner leurs patients. « Être conscient que l’on souffre de burn-out parental est déjà une grande avancée. Le plus dur est d’admettre que l’on est atteint de ce syndrome », admet Tania Hemmer. L’éducatrice sociale donne des cours en ligne sur le burn-out parental pour que les gens sachent que ce syndrome existe, prennent conscience de ses conséquences et comprennent comment l’éviter. « Lorsqu’on traverse une phase difficile, il faut aussi oser en parler à une personne de confiance qui n’est pas dans le jugement. Aucun parent ne devrait traverser l’étape de la parentalité seul. Comme le dit si bien un proverbe africain : ‘il faut tout un village pour élever un enfant’ », conclut-elle.