Bruxelles et Berne ne négocient plus sur une modernisation de leurs relations. Un Swexit serait-il en vue ?

Trop loin et trop proches

« Lors de sa séance du 26 mai, le Conseil fédéral suisse « est arrivé à la conclusion que des divergences substantielles demeurent entre la Suisse et l’UE concernant des domaines centraux de l’accord. ». C’est par un long communiqué que se termine pour l’instant, la modernisation des relations entre la Suisse et l’Union Européenne. Au vu de la rigidité des deux camps, cette fin provisoire était prévisible selon la presse helvétique. Le président de la Confédération, Guy Parmelin, avait tenu à rencontrer Von der Leyen le 23 avril dernier pour lui annoncer personnellement qu’aucun accord n’était à envisager. A la fin de cette réunion d’une heure et demie, les deux camps ont déclaré  que la porte restait ouverte. Il serait difficile de faire autrement.

Le premier accord de libre-échange a été signé en 1972 avec un paquet bilatéral supplémentaire en 1999. Une mosaïque de quelque 120 accords bilatéraux définissent les relations entre les deux unités. De nouvelles négociations ont débuté en 2014 et en 2018, un projet de texte au consensus minimum a vu le jour. Depuis aucun consensus n’était en vue selon les spécialistes. Fin d’un jeu d’ombres ce 26 mai dernier qui rappelle curieusement le refus du peuple suisse d’intégrer l’union européenne en 1992.

Des enjeux économiques et humains considérables

 L’Union européenne représente le principal partenaire de la Suisse. À l’inverse, la Suisse figure parmi les principaux partenaires économiques de l’UE : elle occupe le quatrième rang en termes d’échanges de biens, après le Chine, les Etats-Unis et le Royaume Uni, le troisième en termes d’échanges de services et le deuxième en termes d’investissements, sans compter l’excédent commercial de dizaines de milliards d’euros régulièrement enregistré par l’UE. En 2020 la confédération a exporté pour 99 milliards d’euros de biens vers le bloc des 27 soit 48.2 % de ses exportations. Environ 50% de ses importations préviennent de l’UE.

Quelque 1,6 million de citoyens de l’UE vivent en Suisse, auxquels s’ajoutent 340’000 frontaliers. Quelque 400.000 confédérés sont établis dans l’Union Européenne. La Suisse participe à Erasmus+ et à Horizon 2020, un programme d’aide à la recherche.

Pour faire bonne mesure en 2019 Bruxelles déclarait une « guerre boursière » aux pays de Heidi et du Gruyère, ce qui signifiait selon la presse suisse qu’à : « compter du premier juillet 2019, Bruxelles supprimait l’équivalence boursière accordée à la Suisse. Concrètement, cela signifie que les actions de Nestlé, Roche, Novartis et des autres sociétés qui sont cotées à la bourse suisse ne pourront plus être négociées normalement au sein de l’UE. » Selon « swiss info » du 28 juin 2019, une mesure de rétorsion de Bruxelles face aux hésitations suisses.

De mauvais acteurs au mauvais moment

Les conditions autour de la table de négociations n’étaient pas optimales : d’un côté le président de la confédération suisse intellectuellement ancré dans ses vallées du Vaud est membre de l’aile modérée du parti de l’extrême droite suisse selon « Le Point » du 23 décembre 2018. Cet agriculteur viticulteur qui est arrivé à ce poste par les mystères de la politique cantonale corporatiste a fait les honneurs du New York Times en 2018 pour sa phrase devenue célèbre : « I can english understand but je préfère répondre en français pour être plus précis. »

A cette époque Guy Parmelin nouveau ministre de l’Économie, devenait responsable du dossier européen. Ce qui ne manquait pas d’inquiéter la classe politique et les milieux économiques sur la complexité du dossier et les racines politiques du ministre. Les négociations à Bruxelles se font généralement en anglais. Or, « l’anglais de M. Parmelin, c’est du français », déplorait Philippe Müller, le président du parti libéral-radical. Pour le quotidien Le Temps, « Guy Parmelin [est] créateur de sa propre langue ». Car s’il ne sait pas l’anglais, le nouveau ministre de l’Économie ne connaît pas beaucoup mieux l’allemand. Quant à son français, il peut être parfois assez laborieux selon ce quotidien.

De l’autre, nous trouvons une Madame Von der Leyen qui n’a guère brillé ces derniers mois sur le parquet diplomatique européen. Aucune souplesse n’est à attendre de la part du Goliath bruxellois contre le David de Berne. Les négociations achoppent officiellement sur quelques points majeurs, qui sont également en train de pourrir la politique de certains pays membres de l’Union : la liberté de mouvement et de résidence permanente de citoyens issus du bloc des 27 en Suisse, avec l’accès de ceux-ci à la sécurité sociale ce qui poserait un problème conséquent au fonctionnement et au financement du système suisse.

L’intégration des deux systèmes juridiques avec extension du périmètre européen avec juridiction de la cour de justice européenne sur l’espace juridique suisse est une pilule amère qui ne passe pas. S’y rajoutent les niveaux de salaires des travailleurs détachés ainsi que l’épineux sujet des aides d’état que Parmelin en tant qu’agriculteur et vigneron connait très bien.

Et la neutralité, qu’en fait-on ?

Parmelin,  ancien chef du département fédéral de la défense de 2016 à 2018 a probablement, comme certains pays membres du pacte bruxellois vu avec suspicion le lancement en catimini de deux initiatives militaires par Bruxelles :  le « Fonds Européen de Défense » en décembre dernier et en mars  le « European Peace Facility » défini comme « un nouvel instrument financier qui couvrira toutes ses actions extérieures ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense financé par les pays membres » En ces  périodes de remilitarisation internationale intense avec Bruxelles et son art obscur de la gestion, on sait où cela commence mais on ne sait jamais où cela s’arrête, Frontex en est l’exemple. De plus la Suisse tient à son statut de pays « perpétuellement neutre »…

Par Cadfael