L’affaire Britney S. est symptomatique des rapports de force qui régissent une partie du monde de l’Entertainment dans lequel le chiffre d’affaires est la valeur principale. L’affaire est d’autant plus sensible, qu’après les épisodes Weinstein, c’est une femme terriblement douée qui en est le centre.

Britney S.

Née en 1981 dans le Mississipi, elle débute très jeune dans des émissions pour enfants. Son premier single en 1999 se vend à 500 000 exemplaires. Dès lors, le succès l’a toujours accompagné.

Les ennuis sérieux débutent en 2006 avec son divorce d’un danseur de son équipe avec lequel elle a deux enfants. S’ensuivent la  drogue, les cures de  désintoxication, les séjours en clinique, le retrait du droit de garde de ses fils, des batailles juridiques sur fond de contrôle de ses revenus, bref une vie privée chaotique  même si elle continue à produire des succès. Le magazine Forbes la cite comme la personnalité la plus influente du monde du showbiz. En 2008 retour au cycle infernal drogues, clinique, etc. Sous le régime d’une loi californienne, un juge la place elle et ses biens matériels, sous la tutelle de son père sous un prétexte de défaillances psychiques. Le mécanisme d’une tutelle a pour conséquence que tout est géré par un « conservateur » son père et accessoirement d’autres personnes désignées.

Il dicte depuis 13 ans la gestion physique, financière et matérielle de la vedette définissant l’utilisation des cartes de crédit, les tests psychiatriques, la communication extérieure par l’intermédiaire d’une équipe de professionnels, l’interdiction de certains pas de danse et d’autres curiosités comme le fait pour une co-vedette lors d’un de ses spectacles de devoir signer un NDA, un accord de non divulgation, cinq minutes avant d’entrer sur scène. Comme elle vient de le déclarer en audition publique il y a de cela quelques jours on l’a forcée à ingurgiter des médicaments comme le lithium, elle n’a pas non plus l’autorisation d’enlever son « IUD » raccourci barbare pour « Intra Uterine Device » autrement dit un stérilet. Son ami a interdiction de l’emmener dans sa voiture.

Un papa tellement aimant

Son père, divorcé de sa mère depuis 2002 semble, selon le magazine Forbes avoir fait de sa fille une source de revenus confortables, car en dépit de ces pressions Britney continue à produire des succès colossaux. Se plaçant souvent dans les tops 10 aux EU et en Europe, elle vend des millions d’albums, gagne des nominations aux Grammy Awards, à tel point que le site « cheatsheet.com » s’interroge sur le niveau peu élevé de sa fortune, estimée à une soixantaine millions de dollars. Ce montant est considéré comme faible par rapport à des vedettes qui vendent moins de tickets ou d’albums comme des Jennifer Lopez ou Jessica Simpson. Rien que la tournée résidence de Britney à Las Vegas en 2014 et 2015 a produit un chiffre d’affaires brut de 137.7 millions de dollars.

On notera qu’en 2004 Britney a mis en place une fondation « JSB revocable trust » dans laquelle elle aurait placé une partie de sa fortune afin de se protéger et de la transmettre à ses enfants.

La faible capitalisation de la fortune de Britney S. viendrait des coûts de gestion de sa situation. Les 20 000 dollars par mois à son ex-mari pour l’éducation de leurs enfants sont considérés comme négligeables par Forbes ainsi que ses dépenses personnelles. Son garde du corps et les frais d’entretien de l’ascenseur de sa maison seraient plus élevés. On appréciera que tous les relevés de ses dépenses aillent directement à son père.

Britney versait un salaire mensuel à son père de 16 000 dollars par mois, sur plus de 12 ans cela fait 2.4 millions de dollars plus un bureau à  000 dollars par mois ainsi que des participations aux revenus de ses productions ce qui selon « Forbes » pèsent au moins 5 millions avant taxes depuis février 2008. A ce montant il faut rajouter 1.5% de participations aux revenus de ses prestations à Las Vegas, ce qui fait 2.1 million pour le papa soucieux de sa fille. Petit bonus qui a fuité : en 2011 il encaisse un montant 2.95% de la tournée « Femme Fatale » ce qui fait au moins 500 000 dollars.

Cerise sur le gâteau, les coûts d’avocats : elle règle non seulement les siens mais également ceux de son père ainsi que les frais de toute une équipe qui gère sa fortune et son business. Cette équipe selon le « New Yorker » du 3 juillet se réunit tous les mercredis pour décider de tout : concerts, merchandising, communication, twitter, droits d’auteurs etc… « Elle n’est pas sensée discuter la tutelle » déclarait un membre de cette équipe. « Forbes » souligne que ces frais se monteraient aisément à quelques millions de dollars tout au long des années. Une des amies de Britney déclarera à l’occasion de l’audition du 23 juin : «je pensais l’aider mais j’ai juste aidé une famille corrompue à maintenir le contrôle sur elle »

23 juin : la révolte de la poule aux œufs d’or

Le 23 juin dernier, devant un tribunal de Los Angeles, la première fois depuis 13 ans, elle exprime publiquement sa colère et décrit en audition publique diffusée par streaming ce qu’est sa vie sous contrôle tout en nourrissant par son travail ceux qui la contrôlent. Selon « apnews » elle demande que son père disparaisse de sa vie car « il adore contrôler une personne aussi puissante qu’elle et lui faire mal » Elle souligne que toute cette équipe qui la contrôle devrait « aller en prison ». Elle veut reprendre possession de sa vie de femme et de son argent. Interrogée sur le pourquoi de cette attente de 13 ans elle dira selon le « New Yorker » : « je pensais être ridicule, que les gens se moqueraient de moi »

Selon la presse de Los Angeles, la juge se serait exprimée lors de l’audience en disant : « Je voudrais vous dire que je suis sensible à tout ce que vous avez dit et concernant vos sentiments et je sais que cela demande beaucoup de courage pour dire ce vous avez dit. Je voudrais que vous compreniez que nous apprécions que vous soyez venue » mais a-t-elle a expliqué, la tutelle ne pouvait pas être terminée jusqu’à ce qu’une demande en bonne et due forme ait été déposée. La bataille pour la liberté n’est pas gagnée même s’il semble que les choses peuvent bouger.

L’affaire Weinberg aura permis une nouvelle prise de conscience des femmes travaillant dans l’industrie du showbiz et leur aura donné le courage d’agir contre des dominations injustes. Britney S. serait plutôt normale dans un monde où des Johny Depp et des Sean Penn ont le champs libre. Pourquoi ne pardonnerait-on pas aux femmes ce qu’on accepte chez les hommes. Elle a reçu le soutien de tout un mouvement (#Free Britney) ainsi que de beaucoup de ses collègues femmes/hommes du showbiz dont Justin Timberlake, son ancien copain des temps moins stressants ou Mariah Carey.

#Free Britney