Le président biélorusse pratique le terrorisme d’état et devient un danger pour la société internationale.

Un acte de violation brutale et délibéré du droit international

Un avion de Ryanair, la compagnie irlandaise low-cost, survolait dimanche le Belarus en provenance d’Athènes et à destination de Vilnius, capitale de la Lituanie avec 170 personnes à bord. Selon l’agence biélorusse de presse, sur ordre du président Loukachenko, le contrôle aérien a dévié le vol sur Minsk au moment où l’avion était plus proche de la Lituanie (72 km) que de Minsk (183 km). Le prétexte invoqué était qu’il y aurait une bombe a bord, déposée par un soi-disant groupe palestinien, qui lundi deviendra le Hamas. Un avion militaire MIG 29 biélorusse surveillait l’Airbus de Ryanair. Les passagers ont été débarqués, un jeune journaliste de 26 ans, Protesevitch ainsi que sa compagne, de nationalité russe, arrêtés. Il est une figure importante de l’opposition au régime en tant qu’animateur principal du media NEXTA qui diffuse essentiellement sur « telegram ».

Lui et ses amis ont deux millions de followers. Protesevitch vivait en exil en Lituanie depuis quelques années. Il avait été placé sur une liste de terroristes par le régime de Minsk et risque entre 12 et 15 ans de prison sinon plus. Dans le grand style stalinien le régime Minsk a diffusé lundi une vidéo de 30 secondes des deux personnes, chacune exhibée séparément. Elles y apparaissent marquées et déclarent coopérer en se disant correctement traité. 35000 personnes sont détenues depuis août dernier suite aux manifestations engendrées par les élections truquées dans ce pays sur une population globale de 9.5 millions d’individus. Selon le Guardian de ce mercredi, le dictateur a fait condamner mardi sept activistes à des peines entre 4 et 7 ans. Trois journalistes d’un site web sont signalés comme manquants et un, comme arrêté.

 Au bout de 6 heures de détention sous la menace de gardes armés, les passagers ont réembarqué, l’avion ayant été inspecté, sans succès. L’Airbus a pu repartir. Au moment du réembarquement des voyageurs, désignés comme russes par des sources citées par « le Guardian », sont restés sur place. 

Du côté russe, allié de Minsk, on considérait l’arrestation de l’opposant comme un succès et l’opération a été décrite sur les réseaux des proches de Poutine comme brillante, mais on niait toute implication.

Le ministère des affaires étrangères russe a fait savoir lundi dans un communiqué que la compagne du journaliste pourrait faire l’objet de poursuites à Minsk, où le régime a prolongé sa garde de deux mois.

Un acte de piraterie pour cause de kidnapping d’état

Le patron de Ryanair, a défini lundi sur la chaine de radio irlandaise « newstalk », l’incident comme un « acte de piraterie étatique ». Il soulignait que c’était « la première fois en Europe qu’on notait ce type d’agression d’un état sur une ligne aérienne privée ».  « Il apparait comme manifeste que l’intention des autorités était d’enlever le journaliste et sa compagne. Nous croyons qu’il y avait des agents du KGB à bord, qui sont ensuite restés à Minsk. » précisa-t-il. Les services de sécurité du Belarus ont gardé l’ancien nom de KGB, venant de l’époque de la guerre froide. Des proches du journaliste arrêté ont mentionné qu’à l’aéroport d’Athènes, ils avaient été photographiés de manière peu discrète par des passagers.

De nouvelle sanctions s’avèreront peu efficaces tant que le Belarus sera soutenu par Poutine. La rencontre entre les présidents russe et bélarusse en février dernier scellait un prêt de 1.5 milliards de dollars au dictateur en place depuis 27 ans. Poutine passe pour apprécier les politiciens prévisibles et surtout sous contrôle qui lui permettent d’élargir sa zone d’influence. Les deux ont exprimé une volonté de renforcer les relations commerciales, les relations militaires étant déjà fortement intégrées. Ben Hodegs, ancien commandant en chef des forces aériennes américaines en Europe commentait mardi en substance que les défenses aériennes biélorusses et russes étaient profondément liées et que rien de ce qui se passait au Belarus était caché à Moscou.

L’Organisation Internationale de l’Aviation Civile (OIAC) une sous organisation de l’ONU qui règle depuis 1944 le trafic aérien international ainsi que son organisation sœur européenne ont clairement protesté contre cette violation du traité de Chicago qui règle le trafic aérien international.  L’Union européenne a fermé lundi soir son espace aux avions biélorusses et recommandé à l’instar de l’ OIAC, aux avions des pays membres de ne plus survoler l’espace aérien du Belarus. Les chinois et les turcs n’en ont que faire. Il faut savoir que pour chaque survol Minsk encaisse 500 dollars.

Un régime autoritaire en cache un autre

Selon des experts pour Poutine, l’opération de piratage est un test grandeur nature en premier lieu vers l’Union Européenne et sa capacité de réaction face à ce genre d’évènement.  Les Etats-Unis, l’Union Européenne, le Royaume Uni et le Canada ont gelé des avoirs et interdit de voyage une liste de 90 officiels du régime incluant Loukachenko et cela suite aux élections truquées d’août dernier. De nouvelles sanctions économiques sont à l’étude et elles risquent fort de ne pas faire l’unanimité car Poutine a des sympathisants au sein de l’Union. En attendant Mme Meckel, M. Macron et d’autres chefs d’état ont fermement condamné cet acte criminel et demandé une libération immédiate du journaliste.

Le second test va en direction des Etats-Unis et met à l’épreuve la solidité des liens qui les unissent aux pays amis. Poutine et Biden se rencontreront à Genève le 16 juin prochain. En attendant et afin de faire monter les enchères, les militaires russes ont déclaré ce mardi avoir stationné en Syrie trois bombardiers Tupolev capables de transporter des vecteurs nucléaires sur un rayon d’action supérieur à 5000 km. Le jeu d’échec de Poutine vise  la restauration d’une grande Russie, c’est aux démocraties de démontrer la supériorité d’une vision du vivre en commun qui mérite d’être défendue.

Par Cadfael