Texte par Cadfael
Joe Biden est sorti vainqueur des élections présidentielles. Trump disparaitra-t-il dans les poubelles de l’histoire qui jugera certainement ce personnage imprévisible, menteur et raciste ou continuera-t-il à nuire à son pays et au monde.
Un Parti républicain en débâcle.
Ce qui étonne le plus c’est cette loyauté du parti républicain envers le personnage Trump, son clan, ses réseaux et leurs frasques. Les 4 années de sa présidence auront été toxiques pour les États-Unis, leur prestige et la confiance dont ils ont besoin sur un plan international. Il aura fallu attendre le discours pitoyable de Trump sur les soi-disant fraudes électorales pour que certaines voix républicaines s’élèvent enfin publiquement comme celle du représentant de l’Illinois taxant les insinuations du futur ex-président comme « insane » c’est à dire « fou » en bon français. D’autres voix républicaines se sont élevées comme celle du gouverneur du Maryland pour affirmer que les déclarations de Trump « affaiblissaient la démocratie » et qu’ «aucune personne ni aucune élection n’étaient plus importantes que la démocratie » Toujours est-il que ces derniers soubresauts n’expliquent pas la discipline « ac cadaver » qui aura marquée le parti républicain allant jusqu’au viol d’une tradition ancrée dans l’histoire constitutionnelle voulant que l’on ne nomme pas un juge à la cour suprême durant une année électorale. « Cela défie tout précèdent , toute attente d’une nation où le peuple, oui le peuple est souverain et où règnent les règles de la loi suprême » a commenté le futur président.
Le 24 août dernier le parti républicain a endossé une seconde candidature d’un Trump à la réputation lourdement flétrie. Les républicains l’ont soutenu malgré le coté « insane » du personnage ; jusqu’au au dernier moment, des notables du parti auront demandé aux « vrais patriotes de rester debout ». L’histoire jugera ce parti autrefois nommé GOP, « Grand Old Party » qui aujourd’hui a non seulement besoin d’une réorientation de ses visions politiques mais également d’un grand débat sur les valeurs qu’il défend et la morale politique qu’il se veut pratiquer afin de redevenir crédible.
La première femme à la vice-présidence
Le discours de vainqueur de Biden durant la nuit de samedi à dimanche, à deux heures du matin en Europe, vingt heures dans son fief du Delaware aura été un discours de réconciliation et d’ouverture. Cela aura surtout été la consécration des valeurs féminines et multiraciales par Kamala Harris, première femme vice-présidente des États-Unis, certainement pas la dernière, comme elle l’a déclarée. Cela aura aussi été, comme l’a souligné le futur président, la victoire d’une large coalition de tous ceux sur lesquels Trump aura déversé son fiel ces quatre dernières années : libéraux, LGBT, noirs, latinos, etc… ». « Donnons-nous les uns aux autres une chance /…/ il est temps de guérir, de guérir l’Amérique. Arrêtons cette démonisation. Qui sommes-nous et que voulons-nous devenir » tels sont les messages forts de ce discours. « Donnons à chacun dans ce pays une chance ». Et il a cité Obama : « yes we can ». « Reconstruire une colonne vertébrale au pays et redevenir une nation respectée » tel sera le programme de l’équipe Biden Harris. Et le futur président de citer le « pouvoir de notre exemple »
Une Amérique plus scindée que jamais
Joe Biden et Kamala Harris auront le plus grand mal à réparer les dégâts d’une Amérique post-Trump scindée en deux. Les quatre dernières années ont été un révélateur des courants souterrains profonds qui fissurent la société américaine.
La rhétorique de Trump en direction des groupes religieux blancs chrétiens et des églises évangéliques frisaient la caricature mais avait de l’effet, d’autant plus qu’une grande partie de ces croyants portent des armes. Le scrutin aura montré les transferts de voix d’électeurs du parti démocrate vers le GOP de la part de catégories sociales délaissées comme les sans-emploi, de certains groupes de femmes, des afro-américains et de la communauté hispanique, faits d’autant plus paradoxaux que ce sont ces populations que l’Amérique blanche de Trump honnit. L’intellectualisme démocrate et une certaine inertie du parti de Biden ont fait que ces catégories de citoyens se sont sentis délaissés et ont été siphonnés par le chant des sirènes du populisme trumpien.
On retrouve chez Trump des points communs avec les populistes européens comme le rejet de l’establishment, la méfiance de l’administration, les falsifications diverses et variées, le goût des théories du complot. Si ce n’était pas aussi dramatique, on pourrait trouver comique son obsession de déboulonner tout ce qu’a fait Obama, mais sa haine de l’Obamacare, grand avancée vers une sécurités sociale américaine « universelle » aura mis à mal des centaines de milliers de citoyens américains. Il en va de même de sa pseudo-gestion de la pandémie pour laquelle Trump peut inscrire à son sinistre tableau de chasse, des centaines de milliers de morts. Et on peut également citer la construction de son fameux mur et la chasse ouverte aux immigrants illégaux. Encore aujourd’hui environ 450 enfants séparés de leur père ou mère par les agents de Trump n’ont pas retrouvé leurs parents.
Guérir
Le premier travail de Biden sera certainement de remettre de l’ordre dans le gestion de la Maison Blanche, de s’occuper de maitriser la Covid et de démontrer qu’il est le président de tous les américains. Il n’y aura pas de miracles mais un chemin ouvert vers la réconciliation nationale et internationale où l’Amérique devra de nouveau apparaitre comme un partenaire auquel on peut faire confiance.
Le retrait des accords avec l’Iran par Trumpaura marqué une recrudescence des actes de terrorisme portant la signature des ayatollahs. Le déboulonnage des accords sur la limitations de l’armement nucléaire, le retrait d’Afghanistan qui laisse le champs libre aux talibans, le manque de fermeté envers la Turquie qui reconstruit un empire ottoman avec une présence en Syrie, Irak, Lybie et depuis 2015 avec une base militaire de 3000 hommes au Quatar pouvant évoluer vers les 5000 hommes.
La complicité de fait de Trump avec Poutine qui aura profité de la situation pour renforcer son espace de pouvoir au Proche-Orient via les mercenaires du groupe Wagner à l’instar de ce qui s’est passé en Ukraine n’est pas sans conséquences. Les frictions quotidiennes avec les militaires chinois en mer de Chine et les guerres douanières sont de lourds facteurs d’instabilité́ internationale.
Une Europe rassurée
Mme Merkel doit être soulagée de la direction que prennent les choses aux États-Unis. Coincée entre l’enclume russe et le marteau d’un Trump, sa latitude d’action était limitée. Malgré tout elle a tenu le cap. Il en va de même avec les autres dirigeants européens et surtout avec le président français, M. Macron pour qui l’Otan était moribonde. Avec le prochaine locataire de la Maison Blanche le dialogue sera certainement plus aisé, en commençant par la question de la présence de troupes américaines en Europe et plus spécialement sur le sol allemand. Pour punir la chancelière de son manque de docilité Trump avait entamé une procédure de retrait d’unités américaines d’Allemagne fédérale.
Face à notre Europe faible et désunie, le retour à̀ l’ « American leadership » et à une Otan forte comme le veut Biden, ne pourront être qu’un élément stabilisateur au vu de l’expansionnisme des Russes et du grignotage chinois.
Le monde sera plus prévisible et plus stable même si l’ American leadership » n’est pas du goût de tous et parfois difficile. Gageons que le nouveau locataire de la Maison Blanche sera plus enclin à construire des ponts sur des valeurs communes qu’à les démolir. L’Europe a raté bien des occasions de devenir forte et unie alors il faudra faire avec et reconstruire une nouvelle ère du dialogue euro- américain.