Le Mudam a présenté ce vendredi l’exposition Building Philosophy – Cultivating Utopia, la première rétrospective consacrée à l’œuvre de l’artiste luxembourgeois Bert Theis.

À travers des maquettes, des documents, des dessins préparatoires, des photographies et des vidéos, l’exposition offre un large panorama des projets dans l’espace public qui l’ont fait connaitre. Elle dévoile aussi des aspects moins identifiés de son travail, comme ses collages, ses oeuvres interrogeant l’histoire de l’art, la société et le statut des images, ses performances ou encore ses text works.

Le travail de Bert Theis peut s’entendre comme une tentative permanente de créer des situations qui permettent au spectateur de penser sa présence et sa place dans le monde qui l’entoure. Ses œuvres, qu’il qualifiait volontiers de « philosophiques », sont toujours pensées en relation avec le contexte dans lequel elles apparaissent et fidèles à son engagement politique, social et artistique. D’une esthétique raffinée, elles suscitent le dialogue tout en favorisant l’introspection. Pour Bert Theis, l’art était un outil d’émancipation, l’humour une arme de la pensée et l’artiste un être social critique et responsable.

S’opposant à la « pollution iconographique » de la « société du spectacle » – une notion forgée dans les années 1960 pour critiquer la société consumériste et le rôle qu’y jouent les mass media –, il abandonne très tôt la pratique picturale et crée, à partir du milieu des années 1990, des « plateformes » et des « pavillons » qui, au sens propre comme au figuré, mettent en valeur et élèvent les individus qui les utilisent.

Son intérêt pour les contextes historiques, sociaux et urbains lui vaut plusieurs commandes pour l’espace public. En 2001, dans le quartier populaire d’Isola à Milan, où il vit à partir de 1993, il contribue également au lancement d’Isola Art Center, plateforme collective d’artistes, d’architectes, de philosophes et de citoyens, à partir de laquelle il tente d’établir, avec les moyens de l’art, une « utopie concrète ». Depuis son décès en 2016, des citoyens, des ouvriers, des intellectuels
et une jeune génération d’artistes perpétuent son idéal autour du jardin commun Isola Pepe Verde et l’usine autogérée RiMaflow.

L’exposition se prolonge avec Arcipelago Bert Theis, un ensemble de propositions se déployant à l’échelle du Luxembourg et au-delà.

Mathieu Rosan

Photo : Bert Theis / From Fight Specific Isola to Isola Utopia, 2015