Elle s’appelait Viktoriia, elle avait 27 ans. Journaliste d’investigation en Ukraine, elle enquêtait dans les territoires sous domination russe. Disparue, elle est rentrée chez elle dans un sac mortuaire. Une banalité de plus dans cette guerre contre l’agresseur russe ?

Par Cadfael

Un reportage à hauts risques    

Elle s’était infiltrée dans les zones occupées par les Russes avec un projet de reportage sur les activités du FSB (les services russes de sécurité) et des forces d’occupation. Selon les médias ukrainiens, elle visait les centres de détention et de torture, ainsi que l’identification de membres du FSB actifs en zone occupée, en mettant l’accent sur les crimes de guerre commis contre son peuple.

En tant que seule journaliste ayant eu le courage de se rendre en zone occupée, son dernier reportage portait sur le sort des « détenus fantômes », estimés entre 15 000 et 20 000 personnes selon les sources, dont au moins une trentaine de journalistes. Détenus par les services russes en dehors de tout cadre légal, ces prisonniers seraient soumis à des conditions particulièrement dures, à la torture et à d’autres pratiques de destruction.

Les Russes cibleraient principalement des opposants supposés, des prisonniers de guerre et des Tatars de Crimée — ces mêmes populations que Staline avait déportées en masse vers la Sibérie à partir de mai 1944, avec l’aide de 20 000 membres du NKVD, le prédécesseur du FSB. Cette tentative de purification ethnique est, selon l’historien Laurence Rees dans son ouvrage sur l’histoire militaire Hitler et Staline, à mettre en parallèle avec la déportation des Juifs par les nazis à la même époque.

La disparition de Viktoriia

Disparue depuis août 2023, ses parents n’ont reçu qu’en avril 2024 une information laconique du ministère russe de la Défense les informant de sa détention. En août 2024, elle avait eu un dernier échange téléphonique avec son père depuis un centre de détention. Elle aurait alors laissé entrevoir une possible libération prochaine. La conversation s’était déroulée en russe, ce qui laissait supposer qu’elle n’était pas seule au moment de l’appel.

Selon la presse anglophone ukrainienne, cet appel aurait été le fruit de négociations de haut niveau entre les autorités ukrainiennes et russes. Sa libération aurait dû intervenir lors d’un échange de prisonniers prévu en septembre. Plus tard, la famille a reçu un courriel du ministère russe de la Défense les informant du décès de leur fille à la date du 19 septembre — celle-là même de l’échange programmé.

Aucune précision n’a été fournie quant à la cause de la mort, si ce n’est que le corps leur serait remis dans le cadre d’un échange de dépouilles de prisonniers. Fin février de cette année, les autorités russes ont restitué les corps de 750 prisonniers ukrainiens. Parmi eux, une dépouille non identifiée s’est révélée être celle de Viktoriia Roshchyna.

Selon les médias ukrainiens et des sources de journalisme d’investigation coordonnées par le site français de de l’ONG « Forbidden Stories » l’échange a eu lieu en février dans une zone forestière. Dans des camions réfrigérés on remettait aux représentants de l’Ukraine les dépouilles de 757 des leurs qui termineront leur voyage vers Kiev. Les collaborateurs de la Croix rouge en analysant les listings des dépouilles qui indiquent généralement un nom, un lieu géographique et parfois la cause du décès furent intrigués par le code NM SPAS 757 en dernière page. Il renseignait une personne mâle non identifiée « avec des dommages coronariens importants » Sur la dépouille on découvrira une étiquette manuscrite avec « V.V. Roshchyna ». Les officiels ukrainiens ont confirmé que la dépouille anonymisé était celle d’une femme, non pas une combattante, mais un de ces haut profils détenus par les russes. Après des semaines d’enquête il était confirmé que le sac contenait les restes de la journaliste de 27 ans qui a la fin de sa vie ne pesait plus que 30 kilos.

Des professionnels de la torture

Selon les médias, les analyses médico-légales ont révélé de nombreux signes de torture : brûlures aux pieds causées par des décharges électriques, écorchures aux hanches et à la tête, une côte cassée, ainsi que des hémorragies internes à divers endroits du corps. Les cheveux avaient été rasés. L’os hyoïde, situé dans le cou, était brisé, signe probable d’une strangulation.

Le corps portait également les traces d’une autopsie, mais plusieurs organes essentiels manquaient — notamment le cerveau, les yeux et le larynx —, probablement retirés pour empêcher toute détermination précise de la cause du décès.

Le prix exorbitant des ambitions de Moscou

Les guerres sont des espaces de domination où le droit devrait encore s’appliquer. Pourtant, la partie russe semble en ignorer les règles délibérément. Cette guerre d’agression aurait coûté, selon des sources occidentales, près de 967 600 hommes à la Russie.

Alors que le pays célébrait récemment sa victoire contre le nazisme en 1945, certains comportements de l’occupant semblent tristement en reprendre les méthodes. La vérité, au nom de la liberté de son pays, a un prix. Et ce prix, Viktoriia Roshchyna l’a payé de sa vie.

Le calvaire innommable qu’a subi cette jeune femme n’aurait jamais dû avoir lieu. Le gaz que l’Europe continue d’importer de Russie porte désormais une odeur de sang dont il serait urgent de se détourner.