Pour elle, “l’argent a toujours été secondaire” et géré par son mari, mais à 45 ans, elle entend bien “reprendre le contrôle” de ses finances. Premier cap à franchir, dépasser les “blocages”, avec une séance de coaching patrimonial.
“Je ne connais rien au monde de l’argent. J’ai laissé mon mari gérer les finances mais je cherche une sorte de revenu complémentaire pour ma retraite”, lâche Camille (prénom modifié) dans le bureau de Thierry Ohayon, directeur d’Exent, cabinet de gestion de patrimoine. Après dix années vécues à l’étranger et un divorce de retour à Paris, cette écrivaine, réalisatrice de documentaires et traductrice, dit “se réveiller”. Comme certaines femmes, les finances jusque-là, ce n’était pas ce qui l’intéressait.
Face à elle, le spécialiste, qui offre cette première séance d’essai, se montre compréhensif : “Il faut le temps d’accuser le coup du divorce et bien souvent l’argent, en terme de placement, arrive toujours en dernier.” Il ne s’agit “pas de faire de l’argent pour le principe” mais c’est “un devoir de se protéger”, au cas où les revenus diminueraient temporairement ou durablement, insiste celui qui oeuvre sur ce nouveau créneau de coaching prometteur, sous le regard de portraits de femmes de tous horizons personnalisant son bureau du 11e arrondissement de Paris.
Le rapport “Wealth and Gender in Europe” réalisé par une équipe de chercheuses pour la Commission européenne et publié en 2017 mentionne que la France fait partie des pays où les écarts entre le patrimoine détenu par les femmes et les hommes sont les plus élevés. “Mais qu’entend-on exactement par indépendance financière?”, questionne Camille dans cette quasi-réunion de salon. “C’est être capable d’assumer tes charges, le train de vie que tu souhaites et construire une solution d’épargne”, résume l’expert, coauteur du livre “Les filles, osons parler argent”.
Camille va toucher un chèque important pour son dernier livre, mais ne sait pas comment placer cet argent. C’est insuffisant pour acheter le studio à vendre dans son immeuble d’un beau quartier parisien. Prendre un crédit dans l’objectif de mettre en location alors qu’elle est déjà propriétaire?
“Avant d’embrasser, on parle d’argent”
Attention au diagnostic énergétique, à la possibilité d’utiliser des plateformes comme Airbnb, au plafonnement des loyers, à la fiscalité… M. Ohayon fait l’inventaire des précautions à prendre sans négliger “la charge mentale dans l’investissement”. Celui-ci ne doit pas être anxiogène, sous peine de peser sur celle qui cherche à s'”affranchir de ses blocages”. Le coach se lève pour dessiner au tableau un comparatif rudimentaire de solutions existant pour générer des revenus complémentaires.
Un placement immobilier dans le secteur des services? “Je voudrais être sûre que je ne suis pas en train de créer une bulle spéculative dans les Ehpad”, s’inquiète la cliente attachée à un investissement socialement responsable. “Et quels sont les risques en cas de problèmes de gestion ?”, questionne-t-elle encore.
Elle répète les conseils qu’elle vient d’entendre pour se les approprier : s’asseoir pour parler argent “sans pudeur” une fois par an avec son banquier ou conseiller financier, “solliciter des amis, des proches” pour discuter de projets et saisir des opportunités, prendre en compte un éventuel héritage à venir en tant que “richesse virtuelle”, être audacieuse…
Camille rebondit sur ce qualificatif pour décrire un paradoxe : si elle réussit facilement à vendre son ouvrage dans les salons du livre ou même ceux des autres, négocier ses services ou ses projets lui semble si inconfortable et compliqué qu’elle fait intervenir des agents pour s’en “décharger”.
Chez les femmes qu’il accompagne, M. Ohayon tente de balayer les tendances à “se délégitimer” mais aussi les tabous sociétaux, généalogiques et psychologiques liés à l’argent. D’où l’importance de “poser le sujet de l’argent quand on entre dans une nouvelle relation”, insiste-t-il: “avant d’embrasser, on parle d’argent”, la règle étant selon lui qu’il doit y avoir “un bénéfice à investir avec l’autre”.
Mère d’une adolescente de 12 ans, Camille n’en est pas là mais, en partant, elle est bien décidée à se procurer d’autres informations, résolue à diversifier ses revenus et fière d’avoir fait “un pas de plus vers l’indépendance financière”.