Les États-Unis, un pays riche grâce à son histoire, notamment liée à la communauté noire. Une histoire loin d’être terminée comme nous l’atteste encore le mouvement #BLACKLIVESMATTER. Les auteurs Ludvic Manchette et Christian Niemiec nous plongent dans un état où la ségrégation était sans égal, dans une époque où une personne noire ne valait, pour la plupart, rien.

« Peut-être que si elle avait été née blanche…. Mais elle était née noire. »

Des jeunes filles se font enlever, violer puis assassiner, mais personne ne se penche réellement sur cette affaire malgré le chagrin des familles. Pourquoi ? Tous simplement car ces jeune filles étaient noires.

Bud , détective privé, malgré son caractère raciste, s’intéresse à cette affaire après avoir recruté une femme de ménage noire, Adela. Ce duo improbable tente de rendre justice à ces jeunes filles, à ces familles ignorées par la société ségrégative et conservatrice étasunienne des années 1960.   

Bien plus qu’un polar, c’est un roman historique bouleversant qui retrace à travers le regard d’Adela toutes les souffrances infligées à la communauté noire, du simple interdit d’entrer dans un parc aux agressions perpétrées par le Ku Klux Klan.

« 1963 n’est pas une fin mais un commencement »

Ce roman est aussi un appel à l’optimisme. Le lecteur passe par différentes phases dans ce roman. Nous passons du  sentiment de tristesse pour ces hommes, ces femmes que l’on considérait différents, au  déchirement causé par l’ignorance des forces de police après ces meurtres d’enfants parce qu’elles étaient noires, puis vient l’espérance lorsqu’Adela rencontre un nouvel employeur qui l’invite à jouer au bridge sans aucune réticence.

Mais grâce à l’optimisme d’Adela et à son franc-parler, le lecteur garde espoir. Le contexte de ce roman porte l’espérance vers un pays plus libre pour tous. En effet, 1963 est également marqué par le décès de John Fitzgerald Kennedy, un président qui avait initié un changement des mentalités, visant une nation sans inégalité. C’est dans cette atmosphère que deux personnes, Bud et Adela, que tout oppose, ont su s’unir mettant chacun de côté leurs préjugés, sur la couleur de peau d’Adela ou le caractère raciste et colérique de Bud, ne voyant en eux que l’humain afin  de résoudre ces meurtres, pour des raisons qui leur sont propres.

« Pouvons-nous affirmer au monde, et surtout à nos compatriotes, que nous sommes un pays de liberté, sauf pour les noirs ? »

Les auteurs invitent les lecteurs à réfléchir à la situation actuelle. En mai dernier éclatait le mouvement BlackLivesMatter. Certes les défis ne sont plus les mêmes qu’en 1963, les personnes de couleurs pouvant s’assoir au-devant du bus aujourd’hui, mais dans ce pays qui tant a été marqué par cette ségrégation raciale, existe-il aujourd’hui une réelle égalité entre tous ? Le racisme a-t-il disparu pour autant ? La communauté noire peut-elle affirmer vivre dans un pays libre quand, en 1963 Adela se sentait déjà abandonnée par les autorités et qu’aujourd’hui elle ne se sent toujours pas soutenue par ces mêmes institutions ?

Ce très beau roman est dur émotionnellement mais essentiel, voire indispensable.

Alabama 1963 de Ludvic Manchette et Christian Niemiec aux Editions du Cherche Midi

Texte par Marie Santer

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