Suite aux révélations de Vanessa Springora dans son livre Le Consentement, sorti chez Grasset, la maison d’édition Gallimard a décidé de ne plus vendre le livre de l’écrivain qui fait l’objet d’une enquête pour viols sur mineurs. A l’instar du Time’s Up hollywodien, et si cet évènement sonnait l’heure d’un #MeToo littéraire ?

« La souffrance exprimée par Madame Vanessa Springora dans Le Consentement fait entendre une parole dont la force justifie cette mesure exceptionnelle », explique Gallimard au sein d’un communiqué. Une nouvelle qui intervient alors que le monde de l’édition semblait faire preuve d’une grande tolérance à l’égard de l’écrivain, qui ne s’était même jamais caché de son attirance malsaine pour les « moins de seize ans ». Une première pour la maison d’édition qui publié le journal de Gabriel Metzneff depuis 1980.

Sans jamais se victimiser, la directrice des éditions Julliard relate la relation toxique et l’emprise de cet homme de 50 ans, décrit comme « un ogre », sur l’adolescente de 14 ans qu’elle était. Un témoignage fort qui permet de rouvrir le débat sur la perception de la pédophilie et la complète impunité avec laquelle elle était pratiquée alors. Sous couvert de « replacer les faits dans leur contexte », certains seraient ainsi tentés de confondre liberté sexuelle propre à l’époque et défense de la pédophilie, en dénonçant une forme de puritanisme.

Le malaise du milieu littéraire

De fait, la fascination exercée par Gabriel Matzneff sur le milieu littéraire parisien, récompensé par ailleurs du prix Renaudot en 2013 décerné entre autres par Beigbeder et Franz-Olivier Giesbert, lui aura permis de détailler dans ses livres ses relations avec des adolescents lors de ses voyages en Asie, sans jamais être condamné par la justice. Le journal Le Monde évoque tout au plus un « malaise » dans le milieu littéraire.

Si les faits décrits par Vanessa Springora ont eu lieu dans la deuxième moitié des années 80 et sont donc désormais prescrits et que l’autrice elle-même ne souhaite pas déposer plainte, le Parquet de Paris s’est auto-saisit de l’affaire « dans le cadre d’une enquête d’initiative ». Ainsi, la procédure confiée à l’Office central de répression des violences faites aux personens (OCRVP) permettra « d’identifier toutes autres victimes éventuelles ayant subir des infractions de même nature sur le territoire national ou à l’étranger », explique le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, dans un communiqué. Les secrétaires d’Etat à l’Egalité femmes-hommes et à la Protection de l’enfance, Marlène Schiappa et Adrien Taquet ont quant à eux appelé « toutes les personnes ayant connaissance d’actes pédocriminels commis dans cette affaire ou dans d’autres à se manifester auprès de la justice pour que les victimes puissent être reconnues telles ».

A la manière dont s’est saisie la justice américaine de l’affaire Weinstein après les témoignages de nombreux actrices, au regard des témoignages, des faits et des prises de position, la France pourrait bien être entrain de vivre son #MeToo.

 

Texte : Helena Coupette