Le père Noël est devenu un archétype transcendant la planète. Saint-Nicolas, ses pères Fouettards et autres Hans Trapp anxiogènes n’ont réussi qu’à survivre régionalement et de manière aseptisée. En 1951, l’église de France a tenté de faire du père Noël un symbole d’irréligion.

Par Cadfael

Le père Noël au bûcher

Le 23 décembre 1951, certains évêques de l’église catholique de France remettaient à l’ordre du jour un savoir-faire que l’on pensait honni à jamais : le bûcher. Pour l’occasion on avait soigneusement choisi le lieu et les spectateurs : le parvis de la cathédrale de Dijon où on avait réuni plusieurs centaines d’enfants des patronages. Les jeunes otages ne pouvaient guère faire autrement que d’être présents à cette triste séance de manipulation. On y a pendu un père Noël de trois mètres de haut pour ensuite le brûler sur un bûcher. L’église s’est ensuite fendue d’un communiqué. Elle justifiait cette mise en scène au nom d’une lutte contre le « mensonge » et le paganisme. « Le père Noël et le sapin se sont introduits dans les écoles publiques alors qu’ils sont la réminiscence de cérémonies païennes qui n’ont rien de chrétien tandis que, au nom d’une laïcité outrancière, la crèche est scrupuleusement bannie des mêmes écoles », déclare le porte-parole de l’épiscopat dans le quotidien « France-Soir » du 24 décembre 1951.

Dès le lendemain du bûcher, le chanoine Kir, député-maire de Dijon, inventeur de l’apéritif du même nom, mais surtout partisan d’un catholicisme social, ressuscite symboliquement le père Noël en faisant apparaître un sapeur-pompier déguisé en Saint-Nicolas sur les toits de l’Hôtel de Ville. Cette tradition s’est maintenue jusqu’à nos jours.

Le père Noël supplicié

En 1952 Claude Lévi-Strauss a consacré dans la revue « Les Temps modernes » une analyse à ce fait unique. Dans le « Le père Noël supplicié. » il écrit : « Le père Noël symbole de l’irréligion, quel paradoxe »/…/« Tous ces usages qui paraissaient, il y a quelques années encore, puérils et baroques au Français visitant les États-Unis, et comme l’un des signes les plus évidents de l’incompatibilité foncière entre les deux mentalités, se sont implantés et acclimatés en France avec une aisance et une généralité qui sont une leçon à méditer pour l’historien des civilisations./…/ Le père Noël est vêtu d’écarlate : c’est un roi. Sa barbe blanche, ses fourrures et ses bottes, le traîneau dans lequel il voyage évoquent l’hiver. On l’appelle « Père » et c’est un vieillard, donc il incarne la forme bienveillante de l’autorité des anciens. Tout cela est assez clair. /…/en fait, cet être surnaturel et immuable, éternellement fixé dans sa forme et défini par une fonction exclusive et un retour périodique, relève plutôt de la famille des divinités ; il reçoit d’ailleurs un culte de la part des enfants, à certaines époques de l’année, sous forme de lettres et de prières ; il récompense les bons et prive les méchants. La seule différence entre le père Noël et une divinité véritable est que les adultes ne croient pas en lui, bien qu’ils encouragent leurs enfants à y croire et qu’ils entretiennent cette croyance par un grand nombre de mystifications. »

Des mystifications ?

Qui connaît Mme « Perchta » ? C’est un personnage qui hante encore aujourd’hui les nuits de l’espace alpin austro-allemand entre le solstice d’hiver et Noël. Elle vérifie que tout le travail de l’année est bien achevé, que les maisons sont proprement rangées et que le repos de Noël est bien respecté. Elle est accompagnée du « Habergoass », une sorte de diable avec une tête de bouc terrifiante ainsi que d’autres personnages tout aussi effrayants. Ils voyageraient dans les airs. A l’époque aucun linge ne devait sécher sur les fils à linge, car le linge était volé et revenait l’année d’après en linceul. Il n’y a pas si longtemps, dans certaines vallées, le bon peuple traversait les habitations et étables en priant le rosaire afin d’exorciser les mauvais esprits. Aujourd’hui ces personnages en cavale se retrouvent toujours dans les villages et aiment se faire exorciser dans les bistrots locaux avec force musique et danses en se purifiant au schnaps. Dans sa version sanguinaire Frau « Perchta » ouvre le ventre des enfants pas sages et le remplit avec tout ce qui traîne et est en désordre dans la maison.

En Islande c’est « Gryla », un chat noir géant qui vit dans une grotte profonde qui sort la nuit de Noël pour emmener les enfants pas sages, les emporter dans sa grotte et les cuisiner dans un énorme chaudron.

Bouquet de gui et vieux balais

Une des vieilles traditions du Tyrol autrichien est de suspendre pendant la nuit de Noël un bouquet de gui sur le dormant des portes. Les couples qui s’embrassent en dessous auraient droit à un avenir béni. Pour les personnes en recherche de l’âme sœur, il faudrait peut-être se référer aux traditions norvégiennes qui veulent que les sorcières volent les balais la nuit de Noël pour leurs activités volantes. Une fois, utilisé le balai est ensorcelé avec tout ce que cela peut entraîner comme conséquences. Les Norvégiens cacheraient soigneusement leurs balais en cette sainte nuit. A contrario, si vous voulez attraper une sorcière, placez-les bien visibles et gardez-les à l’œil. Lorsque la sorcière arrive, il suffit de l’attraper et de se laisser ensorceler avec tout ce que cela peut entraîner comme conséquences. Quoiqu’il en soit Noël reste une fête de lumière, alors bonnes fêtes à toutes et tous et laissez-vous enchanter par ce romantisme parfois un peu kitsch, mais tellement plaisant.