Du mieux mais pas encore la parité : avec sept réalisatrices – sur 21 films – en course pour la Palme d’or, le Festival de Cannes fait davantage de place aux femmes cette année. Une avancée même si “le chemin reste encore long”… sur la Croisette, comme ailleurs.
7 : le record
Pour la première fois, le plus grand festival de cinéma au monde comptera sept réalisatrices en compétition, soit environ 33% des cinéastes en lice. L’an dernier, elle étaient cinq à prétendre à la distinction suprême.
“On se réjouit de ce nombre de réalisatrices en compétition mais on s’inquiète aussi car force est de constater que ça avance trop lentement”, souligne Clémentine Charlemaine du collectif 50/50 (spécialisé dans la question de la parité au cinéma) et déléguée général de l’association “Cinéma pour tous”.
“Même si la parité n’est pas encore là, on constate quand même que la programmation du Festival de Cannes va plus loin que la production de films réalisés par des femmes”, retient pour sa part Fabienne Silvestre, co-fondatrice et directrice du “Lab femmes de cinéma”, un cercle de réflexion sur la place des femmes dans le cinéma en Europe.
Selon les statistiques de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, reprises par “Le lab des femmes”, la proportion de réalisatrices dans le domaine du long-métrage (fiction) en Europe sur la période 2017-2021 s’établit à 21%.
Plafond de verre ?
La question de la parité n’est pas un défi pour le seul Festival de Cannes. La Berlinale, qui publie depuis 2002 ses statistiques, semble aussi avoir du mal à dépasser le nombre de sept réalisatrices en compétition, son record.
Des données qui permettent de prendre la mesure du chemin parcouru. En 2002, un seul film d’une réalisatrice — sur 21 — était en compétition. En 2023, elle étaient six cinéastes femmes à concourir pour l’Ours d’or, sur 19 films. A Venise, sur 23 films en lice pour le Lion d’or en 2022, huit étaient l’oeuvre de réalisatrices. En 2012 à Cannes, aucune réalisatrice n’était en compétition.
Ces chiffres montrent que “la graine de la sensibilisation produit ses effets”, observe Fabienne Silvestre. Un phénomène “rassurant”, complète Dame Heather Rabbatts, à la tête de l’organisation Time’s Up UK, qui déplore toutefois une sélection cannoise qui ne fait pas assez de place aux “femmes noires”.
La parité est généralement davantage une réalité dans les sections parallèles des festivals, moins exposées que la compétition. La Semaine de la critique cannoise a sélectionné six long-métrages — sur 11 — de réalisatrices.
Demi-teinte aussi dans les palmarès. A Cannes, seules deux femmes ont obtenu la Palme d’or: la Française Julia Ducournau en 2021 avec “Titane” et la Néo-Zélandaise Jane Campion ex-aequo en 1993 avec “La leçon de piano”. A Venise, les trois derniers Lions d’or ont été décernées à des réalisatrices: Chloé Zhao (“Nomadland” en 2020), Audrey Diwan (“L’Evénement” en 2021) et Laura Poitras (“Toute la beauté et le sang versé” en 2022).
Des causes multiples
Comment expliquer qu’année après année la parité semble inaccessible, alors même qu’un étudiant sur deux dans les principales écoles de cinéma est une femme ?
“Les femmes ont plus de mal à se projeter dans une carrière longue au cinéma. Il y a un problème de représentativité avec peu de réalisatrices à la carrière longue mais aussi la question de l’argent. Demander de grosses sommes d’argent est quelque chose de difficile”, énumère Fabienne Silvestre.
Ainsi, souligne Clémentine Charlemaine, “les réalisatrices sont cantonnées aux petits budgets: plus des trois-quarts d’entre elles disposent d’un budget inférieur à 4 millions d’euros, selon l’étude réalisée par le collectif 50/50.
“Les festivals mettent en lumière ces questions (genre et diversité, ndlr) mais les problèmes structurels demeurent. Les producteurs noirs ont du mal à accéder à la communauté des investisseurs”, assure Dame Heather Rabbatts, qui mènera une délégation de producteurs noirs à Cannes.
Comment, alors, faire mieux ? “Les quotas ne séduisent toujours pas, même si deux pays expérimentent depuis 2021 une forme de quotas hybrides”, expose Fabienne Silvestre. L’Autriche, qui met en place des quotas mais sans sanction s’ils ne sont pas respectés, et le Royaume-Uni, qui a renforcé ses objectifs chiffrés.