Le 11 juin auront lieu les élections communales au Luxembourg. Quels sont les enjeux de ce vote dans la ville de Luxembourg et quelles sont les priorités des partis ? Nous avons posé quatre questions aux candidats têtes de listes de la ville. Ils partagent avec nous leurs idées sur des thématiques essentielles comme l’accès au logement, la mobilité ou la sécurité. La participation des 70% de résidents non-luxembourgeois que compte la ville de Luxembourg pourrait être décisive, il n’est désormais plus nécessaire d’habiter depuis cinq ans au pays pour participer aux élections communales.

Par Isabelle Conotte

François Benoy et Claudie Reyland, Déi Gréng

Qu’allez-vous faire de différent (en priorité) que l’équipe précédente ?

Pour garantir une qualité de vie élevée dans notre Ville, il faut faire face à la hausse des inégalités et à la crise climatique. Les dernières années ont été marquées par l’inaction, c’est pourquoi nous proposons un renouveau politique avec une nouvelle équipe qui aura le courage politique pour mettre en œuvre des solutions ambitieuses, créer des quartiers attractifs, soutenir les concitoyen.ne.s dans leur vie quotidienne et rendre la Ville accessible à tou.te.s.

Notre priorité sera de créer une ville verte avec des quartiers à haute qualité de vie, avec plus de verdure et d’arbres, plus d’espaces de rencontre, de commerces de proximité et de place pour les piéton.ne.s et un réseau de pistes cyclables sûr, en enlevant le trafic de passage bruyant et polluant des quartiers.

Les fonds d’investissement qatari envahissent la ville, qu’en pensez-vous? Quelle sera votre politique à ce niveau?

Le développement urbain ne doit pas être l’affaire de fonds de spéculation qui ne sont qu’à la recherche d’une rentabilité à court terme. Nous défendons un aménagement urbain qui se fait dans le dialogue avec les citoyen.ne.s et au service de tous les intérêts de la Ville.

Quel regard porter sur un pays qui ne peut plus loger ses nationaux ? 

Au niveau national, de nombreux leviers sont mis en œuvre pour accélérer la construction de logements abordables. Si la ville de Luxembourg a lancé de grands projets ces dernières années, force est de constater qu’elle peine à les réaliser. Nous voulons mettre la priorité sur le logement abordable et doublerle nombre de logements sociaux en ville en utilisant pleinement les fonds à la disposition de la commune et en créant un groupe de travail pour accélérer l’exécution des projets.

Les cambriolages se multiplient au cœur de la ville de Luxembourg. Que pensez-vous, comme c’est le cas dans d’autres pays, de la mise en place d’une police municipale qui se déplacerait à pied ?

Afin de faire face à la criminalité, il faut adopter une politique transversale qui s’appuie tant sur un travail de police efficace que sur une meilleure prévention. Négligée pendant des décennies, la police a été renforcée, notamment avec une augmentation des effectifs et une présence accrue sur le terrain. Ces efforts doivent continuer. Réintroduire une police communale ne se ferait pas du jour au lendemain et prendrait beaucoup de temps, elle avait été supprimée en raison de son inefficacité.

Marie-Marthe Muller et Pascal Clement, Piratepartei Lëtzebuerg

© Eric ROLGEN

Qu’allez-vous faire de différent (en priorité) que l’équipe précédente ?

M-M. MULLER : Comme le dit notre slogan Mateneen fir eng Stad fir jiddereen, nous voulons réinstaurer et fortifier la notion d’ensemble et d’inclusion. Nous tablons sur une augmentation de la participation citoyenne à travers la création d’un conseil citoyen Biergerrot et la transparence des informations.
P. CLEMENT : Nous voulons augmenter la qualité de vie dans les quartiers en réduisant la circulation automotrice au profit de la mobilité douce et en redistribuant l’espace public d’une manière équitable selon les besoins spécifiques de chaque quartier.

Les fonds d’investissement qatari envahissent la ville, qu’en pensez-vous ? Quelle sera votre politique à ce niveau ?

M-M. : La ville a son rôle à jouer en tant que capitale européenne et des investissements importants de fonds internationaux sont nécessaires. Nous voudrions éviter une dépendance unilatérale de ces capitaux, quels qu’ils soient, et donc une diversification d’investisseurs s’impose.

Quel regard porter sur un pays qui ne peut plus loger ses nationaux ? 

M-M. : Tout doit être mis en œuvre pour que les résidents (luxembourgeois et étrangers) puissent à nouveau trouver des logements abordables. Pour nous, les PAG actuels suffisent à satisfaire la demande en logements. Les propriétaires doivent être, à travers l’augmentation des impôts fonciers, forcés de ne plus laisser des terrains constructibles à l’abandon.

P. : Le problème des logements insalubres ou exigus est une priorité. De nouvelles formes de construction, comme les Tiny-Houses, doivent être promues, ainsi que toute autre forme de cohabitation. Satisfaire la demande aura pour conséquence probable le retour à des prix abordables, tant en acquisition qu’en location.

Les cambriolages se multiplient au cœur de la Ville de Luxembourg. Que pensez-vous, comme c’est le cas dans d’autres pays, de la mise en place d’une police municipale qui se déplacerait à pied ?

P. : Les actes criminels, comme les cambriolages, la mendicité organisée et le trafic de drogue, sont du ressort de la police. Nous ne voulons pas créer une structure similaire et concurrente avec les problèmes de compétences, d’interventions et de communication qui s’en suivent.

M-M. : Il faut augmenter les effectifs de la police, réinstaurer les commissariats de proximité et délester la charge de travail des policiers en attribuant aux agents municipaux plus de compétences dans la poursuite et la sanction d’incivilités.

Gabriel Boisanté et Maxime Miltgen, LSAP Lëtzebuerger Sozialistesch Arbechterpartei

© Yves Kortum

Qu’allez-vous faire de différent (en priorité) que l’équipe précédente ?

Notre priorité sera d’agir sur le logement qui fait sombrer dans la pauvreté et la précarité les plus faibles et les plus jeunes, participe grandement à la dissolution des classes moyennes et nuit à la cohésion sociale. Pour endiguer la spéculation sauvage et la rétention foncière, un nombre considérable de leviers auraient pu être actionnés comme la mobilisation des terrains de la ville et un investissement massif dans la création de logement. Le secteur public doit devenir un acteur principal dans la création de logements et la gestion d’un marché locatif abordable et assaini. Ensuite, se mouvoir en ville doit être sûr et rapide pour les voitures, les vélos et les piétons. On a 24 quartiers avec peu d’homogénéité des pistes cyclables et des zones non sécurisées.

Les fonds d’investissement qatari envahissent la ville, qu’en pensez-vous ? Quelle sera votre politique à ce niveau ?

Au niveau légal et économique, on ne peut empêcher personne de venir et on a besoin d’investisseurs qui créent des richesses dans l’industrie, les arts, les services ou le développement immobilier, qu’ils soient qatari ou autres. Le souci, c’est que l’investissement étranger massif vient du haut taux de rentabilité immédiat des investissements fonciers (ou de l’intérêt fiscal certain) et pose un problème moral : pouvoir payer n’importe quel prix contribue à l‘augmentation du prix du foncier et du m2 construit.

Quel regard porter sur un pays qui ne peut plus loger ses nationaux ? 

Entre honte et tristesse. Je n’ai pas honte de mon pays, mais honte qu’on n’ait pas encore collectivement trouvé la solution, ou triste car on a trouvé cette solution et on ne la met pas en oeuvre par manque de courage et d’ambition.

Les cambriolages se multiplient au cœur de la ville de Luxembourg. Que pensez-vous, comme c’est le cas dans d’autres pays, de la mise en place d’une police municipale qui se déplacerait à pied ?

Je suis pour et ceci pour arrêter de considérer que la sécurité n’est pas un problème, ou qu’elle relève du ministre. C’est un problème d’urbanisme. Une police municipale avec un cadre de compétences, des formations et un rapport hiérarchique avec les forces de police ferait une grosse différence avec les organismes de sécurité privée engagés par la Ville. Les cambriolages sont, dans l’énorme majorité, le fait de bandes organisées et requièrent donc un travail d’investigation du ressort de la police nationale.

Serge Wilmes, CSV Christlich Soziale Volkspartei

© Keven Erickson & Krystyna Dul

Qu’allez-vous faire de différent (en priorité) que l’équipe précédente ?

L’équipe précédente, c’est nous. On a bien travaillé avec notre partenaire de coalition, le DP, mais aux élections, chacun fait campagne pour sa vision de la ville. Faire de notre ville le meilleur endroit où vivre, ce n’est pas un simple slogan de campagne, c’est notre ambition. La ville a un potentiel énorme et la priorité absolue sera de développer la vie de quartier. Nous voulons créer une ville compacte où toute notre vie a une place, pas seulement construire des bâtiments mais des lieux de vie collective : habiter, idéalement travailler, se restaurer, s’éduquer et envoyer ses enfants à l’école.

Les fonds d’investissement qatari envahissent la ville, qu’en pensez-vous ? Quelle sera votre politique à ce niveau ?

C’est un fait que des promoteurs (des Émirats) investissent dans de très gros projets à plusieurs centaines de millions d’euros comme à Hamilius ou Place de l’étoile. Cependant, les plus gros promoteurs immobiliers et propriétaires fonciers restent luxembourgeois, qu’il s’agisse d’acteurs privés ou publics, comme l’État et la Ville de Luxembourg. Il n’y pas d’invasion de fonds étrangers, nous sommes un pôle économique attractif qui attire des investisseurs, et la grande majorité sont locaux.

Quel regard porter sur un pays qui ne peut plus loger ses nationaux ? 

Luxembourg est devenu un centre financier tellement attractif que la Ville compte 3 à 4000 nouveaux habitants chaque année et la construction ne suit plus. Pour construire, il faut alléger et raccourcir les procédures, ce qui est demandé à chaque élection. La ville est un acteur mais on a besoin de travailler ensemble avec des développeurs privés qui ont énormément de terrains et souvent des entreprises de construction. La seule réponse est de construire plus, et plus de logement abordable.

Les cambriolages se multiplient au cœur de la ville de Luxembourg. Que pensez-vous, comme c’est le cas dans d’autres pays, de la mise en place d’une police municipale qui se déplacerait à pied ?

C’est une très bonne idée que l’on propose dans notre campagne. Nous sommes en faveur d’une réintroduction de la police municipale, une unité à l’intérieur de la police grand-ducale sous l’autorité d’une municipalité et qui aura pour fonction d’être une police de proximité. Pour cela, il faut changer la loi et cela dépend du prochain gouvernement… en votant CSV, avec Luc Frieden comme premier ministre, vous aurez une police municipale.

Lydie Polfer et Patrick Goldschmidt, DP (Demokratesch Partei)

Qu’allez-vous faire de différent (en priorité) par rapport à votre ancien mandat ?

Un programme est prêt pour les six prochaines années avec de nouveaux projets dont la priorité est claire : la qualité de vie des gens qui habitent en ville, y travaillent ou y viennent comme touristes. Ce qui est important, c’est la mobilité avec des transports en commun efficients, l’environnement avec des infrastructures sportives et des aires de jeux, le logement, et aussi faire face au sentiment d’insécurité qui a fait son apparition. La conception des quartiers de l’avenir sera différente, avec moins de voitures et un espace dédié aux piétons et à la mobilité douce.

Les fonds d’investissement qatari envahissent la ville, qu’en pensez-vous ? Quelle sera votre politique à ce niveau ?

Lors de la crise financière, au niveau national, les autorités ont accueilli à bras ouverts les investisseurs pour aider les banques et le secteur immobilier. Cela va au-delà d’une municipalité, au niveau communal, on ne va pas vérifier qui est bénéficiaire économique d’un projet. Faire en sorte que le PAG soit respecté, ça c’est une compétence du bourgmestre, comme faire construire ce qu’on veut en tant que ville, veiller au respect des autorisations, avoir toujours plus de logements.       

Quel regard porter sur un pays qui ne peut plus loger ses nationaux ?

Ces dernières années, les prix ont énormément augmenté au Luxembourg, en ville et dans les communes limitrophes. L’État promeut l’attractivité économique du pays donc des gens viennent habiter ici. Je préfère qu’on construise plus, et plus dense, pour que les prix diminuent éventuellement, et que tout le monde puisse acheter au Luxembourg. Une question qu’il faudrait peut-être se poser, c’est celle de la nécessité de devenir propriétaire au lieu de rester locataire. Dans d’autres pays, le taux de propriétaire est beaucoup plus faible qu’ici.

Les cambriolages se multiplient au cœur de la ville de Luxembourg. Que pensez-vous, comme c’est le cas dans d’autres pays, de la mise en place d’une police municipale qui se déplacerait à pied ?

Depuis la pandémie, la criminalité, les cambriolages et les incivilités augmentent en ville, on a davantage de mendicité. Je suis à 100% pour une police municipale pour la capitale, sous les ordres du bourgmestre, et pour laquelle on pourrait mettre les moyens pour recruter plus de personnes, en complément de la police nationale dont on a besoin.