Trois soirs durant, les notes de La Traviata, œuvre majeure de Verdi d’après le roman d’Alexandre Dumas (fils) La Dame aux Camélias, ont résonné au cœur du Grand Théâtre. Robert Wilson en a livré une version dépouillée, qui peut questionner le genre.

Le rideau à peine levé nous laisse face à une scène vidée de tout décor. Seul un mobile déstructuré flotte dans les airs pour s’élever avant de disparaître.

Premier tableau, les personnages sont à la fête : costumes colorés, visages grimés et gestes saccadés évoquent de prime abord une étrange boîte à musique, un théâtre de marionnettes. Ce sera la seule excentricité de Robert Wilson, figure majeure de la scène contemporaine actuelle et à qui l’on doit cette lecture de La Traviata, de Verdi. Une lecture dont le parti pris esthétique radical trouve tout son sens lorsque qu’il déclare « j’aime la musique de Verdi, mais je n’ai jamais vu une production de La Traviata qui m’ait plu. Elles sont généralement kitsch et très sentimentalistes. »

Dès lors, sa mise en scène se caractérise par le minimalisme et la retenue. Seule la lumière échappe à son souci d’épure et devient, presque, un personnage, tant son traitement est sur le devant de la scène. Rampe de néons aveuglants, mur lumineux tamisé dont la couleur change selon le tableau, elle devient un élément de langage qui donne la contrepartie du jeu des personnages ultra statique. Si Annina (Elena Yurchenko) esquive à peine un hochement de tête – quasi comique – jamais Violetta et Alfredo ne se touchent, pas même lorsque celle-ci le somme de s’approcher plus près de lui « Più a me t’appressa ».

De l’opéra cette mise en scène n’en a ni la couleur ni la saveur. De cet art, on attend – et on aime – les cris, les déchirements, les renversements de situations, les larmes. De tout cela, on n’aura rien. Seule la voie cristalline de Violetta (Nadezhda Pavlova) et l’orchestre, dirigé par Teodor Currentzis, nous donne le frisson que l’on aurait attendu.

C’était certes très beau, d’une grande prouesse esthétique et très qualitatif, mais les amateurs d’émotions et de sensations fortes que nous sommes sommes restés un peu sur notre faim.